05/08/2018 à 17h52
La différence d'âge dans les couples au cinéma

Les médias ont insisté sur la différence d'âge entre le président des Etats-Unis Donald Trump (70 ans) et sa femme Melania (47 ans), presque la même que celle entre le président français Emmanuel Macron (40 ans) avec sa femme Brigitte (64 ans).
Cela nous surprend d'autant plus que seulement 1% des couples hétérosexuels sont composés d'une femme ayant plus de dix ans d'écart avec leur mari. Dans le même temps, l'exemple inverse concerne environ 6% des mêmes couples. Le cas des maris franchement plus âgé que leur épouse est donc beaucoup plus fréquent (Sugar Daddy comme disent les jeunes).
Différence d'âge dans les couples en France (ex: en orange, 14% des hommes ont entre 6 et 10 ans de plus que leur compagne)

Rappelons l'inégalité de jugement que la société porte sur les hommes plus âgés que leur femme ("quel séducteur !") et sur les femmes plus âgées que leur conjoint (une nymphomane, "mangeuse d'hommes").
En moyenne, en France, l'homme a deux ans et demi de plus que sa conjointe. On constate les mêmes écarts entre les membres de couples homosexuels.
Qu'est-ce qui provoque cette différence d'âge ? Il est difficile de faire un cas général, les raisons qui poussent les gens à s'aimer étant théoriquement subjectives. Pourquoi cela poserait-il problème ? "L'amour n'a pas d'âge" selon un dicton populaire. C'est ainsi, on ne tient rien d'assuré en ce qui concerne l'amour, comme pour l'existence de Dieu ou l'invention des pâtes au ketchup ;-)
La séduction agit avec des règles qui n'appartiennent pas au domaine de la raison. Cependant, quand l'un des membres du couple est très âgé et très fortuné, on peut douter de la sincérité des sentiments de la jeune personne qui se trouve inexplicablement attirée par elle. Un proverbe affirme que l'âge minimum de son partenaire ne peut être plus bas que la moitié de son âge + 7 ans.
Ces légendes n'ont évidemment aucune base logique. D'autant que l'espérance de vie plus courte des hommes devrait les amener tout naturellement à préférer une épouse plus âgée pour ré-équilibrer la différence de sa durée de vie. C'est compter sans la maturité sentimentale, et surtout la position sociale, qui n'a souvent rien à voir avec l'âge réel des individus. Enfin, il faut tenir compte de la fécondité qui chute après 40 ans chez les femmes, là où les hommes peuvent continuer à procréer après leurs 60 ans.

En tout cas, les membres d'un couple n'ont pas systématiquement un âge si différent. Cette différence tend même à baisser dans le monde depuis les années 50. Chez les personnes qui ont un niveau scolaire élevé, la différence semble être en moyenne plus faible. L'explication est simple: certains de ces couples se forment pendant leurs études, il est donc normal que les deux membres aient à peu près le même âge (s'ils n'ont pas trop redoublé d'années !). A contrario, en France, dans les couples comportant au moins un immigré, la différence semble plus marquée. Dans cette situation, l'homme est très majoritairement l'aîné. Cela est souvent lié aux traditions dans le pays d'origine (principalement les pays d'Afrique) ainsi qu'au niveau scolaire et à des contraintes économiques.

Mais laissons là les statistiques et la réalité pour nous intéresser à ce phénomène tel qu'il existe dans la fiction. Mettons de côté les relations entre un adulte et un mineur, sujet que Nabokov et Kubrick ont abordé dans "Lolita". Non, car la différence d'âge est ici trop évidente. Concernant deux adultes, certaines oeuvres n'abordent pas le sujet de front et décrivent une règle inconsciente, partagée collectivement: dans un couple hétérosexuel, l'homme est plus âgé que la femme, c'est ainsi, point. On peut se demander sur quelles bases cette affirmation semble érigée en modèle.

Y a-t-il une influence mutuelle entre la réalité et sa représentation dans la culture populaire ? Plus particulièrement au cinéma, on constate que le sujet est l'objet de nombreuses comédies romantiques. On connait les difficultés qu'ont les réalisateurs à faire correspondre leur vision avec le résultat obtenu sur grand écran. La production entraîne parfois des choix plus ou moins conscients, qui écartent par exemple certaines femmes quadragénaires des rôles qui leur seraient normalement destinés. Des garçons qui passent le bac sont plus souvent joués par des acteurs trentenaires expérimentés que par des teenagers (oui, Daniel Auteuil, c'est de toi qu'on parle). Plus récemment, on a vu dans "Mamma Mia! Here We Go Again" la jeune Cher (73 ans) jouer le rôle de la mère de Meryl Streep (69 ans)... tout est possible !
Intéressons-nous à certains des films qui ont forgé notre imaginaire, et à leur casting plus particulièrement. Les voici présentés dans un ordre chronologique, et avec un peu de mauvaise foi (LOL).


Le Lauréat (1967)
Benjamin (sic), le "jeune" étudiant, interprété par Dustin Hoffmann, est séduit par une amie de ses parents. Dans les faits, Dustin a 30 ans au moment du tournage, et Anne Bancroft, la femme qui devrait avoir l'âge de sa mère (complexe d'Oedipe quand tu nous tiens) n'a que 36 ans. On a donc un écart manifeste entre le scénario et l'image qui nous est servie à l'écran. Un autre casting aurait sans doute été inenvisageable à l'époque. Le puritanisme était encore très présent et le film est sans doute sorti dans une version édulcorée. Autre bizarrerie, la fille de Mme Robinson, quant à elle interprétée par Katharine Ross (27 ans), ne pouvait visiblement pas être née quand sa mère avait neuf ans ! Jeanne Moreau (39 ans à l'époque) aurait refusé le rôle de Mme Robinson. On lui pardonnera de n'avoir exposé ses seins dans le fameux plan subliminal qui a fait la renommée du film.
Top Gun (1986)
L'agent instructeur Charlotte Blackwood (Kelly McGillis, 29 ans à l'époque) et Pete Mitchell "Maverick", un jeune pilote de chasse (Tom Cruise 24 ans) sont follement attirés l'un par l'autre. Film bourrés de clichés sur les militaires, le soleil californien, l'héroïsme et la testostérone, Top Gun n'est cependant pas dénué d'innovation en ce qui concerne les couples au cinéma. La nature de leur relation est d'abord assez classique, bien qu'il s'agisse de collègues de travail qui ne connaissent visiblement pas l'expression "no zob in job". Charlotte a besoin de cet étudiant car il est seul à avoir observé de près un avion russe, et cette information peut appuyer une demande de poste à Washington. Mais tout cela est un prétexte pour cacher un désir plus profond. Puis leur relation prendra un tournant plus complexe quand le coéquipier de Maverick meurt pendant un entrainement. Ils partagent alors des sentiments mêlés de regrets qui finissent par les séparer. Mais le jeune héros va se ressaisir afin de sauver ses amis contre les méchants russes. Sans raison apparente, se joue alors une guerre imaginaire dans l'Océan Indien telle que Ronald Reagan devait les rêver dans ses nuits les plus folles. Charlotte revient à l'académie quand elle apprend que Pete souhaite devenir instructeur à Top Gun, et on imagine la suite (d'ailleurs Top Gun 2 devrait sortir bientôt).
Die Hard (1988)
Le "piège de cristal" met en scène un flic de New-York, John McClane (Bruce Willis 33 ans), en prise avec des terroristes à l'accent suspect dans un gratte-ciel à Los Angeles. Hé oui, allemand=nazi, allô quoi. Ces criminels vont-ils gâcher le réveillon de Noël que John voulait passer avec sa femme Holly (Bonnie Bedelia 40 ans) ? Après un jeu de cache-cache sanglant, le valeureux policier sauvera sa belle, tout finira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Rien de bien révolutionnaire. Ce qui est moins courant, c'est qu'Hollywood affiche un couple dans lequel la femme a 7 ans de plus que son mari... Il faut dire que l'acteur qui devait jouer le rôle du héros avait quelques années de plus (Arnold Schwarzenegger 41 ans à l'époque). Finalement, ils ont bien fait de prendre un acteur plus jeune. Gouvernator, avec son accent autrichien, aurait fait perdre en saveur les blagues irrésistibles de McClane sur le phrasé guttural des méchants criminels.
Quand Harry rencontre Sally (1989)
En lisant le titre du film, on imagine Claude Lelouch derrière la caméra. "Un homme et une femme", version américaine à gros budget. Sauf que non, c'est une comédie romantique dans laquelle Harry et Sally sortent diplômés de l'université (ils sont donc censés avoir le même âge). Les tourtereaux se croisent à plusieurs reprises, se chamaillent, se retrouvent et finissent par se marier. Billy Crystal (41 ans) et Meg Ryan (27 ans) montrent toute la palette de leur talent comique pour nous faire croire à cette histoire d'amour à distance. Qui n'a jamais entendu Meg Ryan simuler un orgasme dans un restaurant new-yorkais ? Malheureusement, ils forment un couple dont les acteurs ont juste 14 ans d'écart, une paille, rien du tout en fait. Sans déconner, vous la voyez l'invraisemblance ? Bon, là je vous laisse méditer sur cette expression: "L'amour est aveugle". C'est le spectateur qui n'a rien vu, il faut croire.
Bodyguard (1992)
Si le rôle devait être tenu au départ par Steve McQueen, c'est Kevin Costner (37 ans) qui joue le garde du corps dans ce film dont le scénario avait été écrit 17 ans plus tôt par Lawrence Kasdan. On se souvient bien sûr de la chanson de Whitney Houston (29 ans) "I will always love you", mais c'est Diana Ross (autre grande chanteuse afro-américaine) qui était pressentie pour jouer aux côtés de McQueen. Ce dont on se souvient moins c'est de l'accueil critique assez catastrophique qu'a reçu le film, ce qui ne lui a pas empêché d'avoir un énorme succès au box-office. Franck, le garde du corps, et Rachel, la chanteuse insouciante, vont partager une histoire d'amour compliquée. Dans une scène d'une grande intensité, Franck va prendre une balle destinée à la star qu'il protège... comme c'est romantique. Le duo Costner-Houston est un des rares couples mixtes dont on se souvient encore aujourd'hui, tant il est rare d'en observer dans les films hollywoodiens. Sans doute le public n'était-il pas prêt à accepter ce type de romance à l'époque où McQueen et Diana Ross devaient interpréter ces personnages ? Peut-être est-ce lié à l'histoire des USA, et à la ségrégation qui y sévissait encore dans les années 60 ? Il s'agit également d'un couple avec une différence de niveau social importante, d'autant que c'est traditionnellement l'homme qui a des moyens financiers plus élevés que sa compagne. Ce bel exemple anti-conformiste est malheureusement gâché par une interprétation des sentiments un peu "froide" et c'est un euphémisme. Les deux stars ne s'entendaient pas du tout, Costner accusant Whitney de se comporter comme une diva (ce qu'elle était, paix à son âme). Peut-être est-ce lié aux 8 ans d'écart, mais on ne sent pas d'alchimie ni de passion entre eux. Il faut dire qu'à l'âge où le jeune Kevin fumait ses premiers joints, Whitney sautait encore sur les genoux de sa grand-mère.
Sur la Route de Madison (1995)
Accrochez-vous aux branches des arbres de l'Iowa, un drôle d'Etat d'Amérique, car je dénonce :-o Alors que son mari et ses deux enfants partent pour quelques jours à une foire aux bestiaux, la mère de famille, Francesca Johnson (Meryl Streep 46 ans), reste pour s'occuper du foyer et arroser les épis de maïs. Le mari est joué par un homme qui a 55 ans au moment du tournage.
C'est à ce moment là que se pointe Robert Kincaid (Clint Eastwood 65 ans) dans un pick-up. Alors oui, les deux acteurs sont magnifiques. Mais franchement, vous y croyez à l'innocence de l'amour entre le séduisant photographe et la mère au foyer ? Une vingtaine d'années séparent ces deux-là, je n'achète pas désolé. Dès le début, Bob (oui je sais, c'est moins sexy) commence par lancer des sourires ultra-bright à la "MILF" désoeuvrée, d'origine italienne (mon oeil). Rien ne nous est épargné, pas même des plans sur le corps vieillissant de Clint sous la douche. Bien sûr, le personnage de Kincaid se défend: "Mais non, c'est la première fois que des sentiments si purs me touchent". Et mon cul, c'est du poulet fermier ? °-( N'allez pas me faire croire qu'il ne savait pas, en demandant la direction des ponts couverts du comté de Madison à la belle Francesca, que ça allait finir en frotti frotta sous la couette. Il faut dire que le vieux briscard travaille pour le magazine "National Geographic". Imaginez la même histoire avec un plombier qui cherche la maison des Robinson pour déboucher leur évier. Pas sûr que Meryl Streep ait suivi le même homme affublé d'une salopette en jean... Enfin bon, Meryl Streep a eu un Oscar pour récompenser son interprétation quatre étoiles, mais vous ne me ferez pas croire que ce genre de choses arrive dans la vraie vie.
La proposition (2009)
Pas facile pour une actrice de trouver un rôle à sa mesure après 40 ans... L'âge des femmes n'est pas directement le sujet du film, mais plutôt le mariage blanc. Margaret (Sandra Bullock 45 ans), de nationalité canadienne, est sur le point d'être expulsée des Etats-Unis. Elle est sommée de trouver rapidement un époux si elle veut rester rédactrice en chef de sa société d'édition. Or, son caractère de célibataire endurcie n'est pas compatible avec le mariage, ou même simplement la fréquentation des hommes. Son statut d'orpheline a forgé son caractère, ce qui l'a entraîné à repousser une union qui lui aurait permis d'accéder à la nationalité américaine. Elle force donc son assistant, Andrew (Ryan Reynolds 33 ans), à l'épouser s'il veut garder son emploi. L'actrice n'était pas le premier choix, Julia Roberts (à peine plus jeune) était pressentie pour jouer ce rôle. Il faut bien avouer que Sandra Bullock a l'air d'avoir 10 ans de moins, sans doute grâce à la chirurgie esthétique. L'ex petite amie d'Andrew, Trudy (Malin Ackerman 31 ans) est parfaite en tout point, mais la jeune femme n'a pas souhaité suivre son amoureux à New York. Cette relation avortée rend le couple Bullock-Reynolds d'autant plus crédible. On assiste quand même à un conflit de génération dans certaines scènes entre le trentenaire et la quadragénaire. Comme dans toute bonne comédie romantique, les deux protagonistes finissent évidemment dans le même lit. Même si Margaret est expulsée dans son pays d'origine à la fin du film (oups, spoiler !), ce n'est pas vraiment une si mauvaise nouvelle. Il faut avouer que beaucoup d'américains aimeraient sans doute émigrer au Canada depuis l'arrivée de Trump au pouvoir.
20 ans d'écart (2013)
Ce film français met en scène un étudiant, Balthazar (Pierre Niney 24 ans), et Alice, la rédactrice en chef d'un magazine (Virginie Efira 36 ans). La relation qui naît entre eux met le personnage d'Alice dans l'embarras. Son patron est surpris de voir qu'elle n'est finalement pas aussi coincée qu'il ne le pensait, et songe à elle pour une promotion. Elle décide donc de poursuivre cette relation afin d'avoir le poste dont elle rêve. Alors vous je ne sais pas, mais 36 moins 24, ça fait pas 20. Alors, Alice, cougar ou pas ? Je ne sais pas ce qui est le plus gênant, que le personnage masculin soit sensé avoir 18 ans, ou que Virginie Efira joue si mal les saintes-nitouches... Sans surprise, elle n'a pas eu de César pour son rôle. On se demande bien pourquoi.
Carol (2015)
Entre Carol (Cate Blanchett 46 ans), en instance de divorce, et Therese (Rooney Mara 30 ans), le courant passe tout de suite. Pourtant, les moeurs dans les années 50 s'opposent à toute relation entre ces deux femmes. Carol est la mère d'une petite fille, et tente d'échapper à Richard, son mari alcoolique, tandis que Thérèse est vendeuse dans un magasin à New-York et prend des photos pendant son temps libre. La relation que Carol a entretenue avec une amie dans le passé rend Richard soupçonneux. Il va demander la garde exclusive de leur fille en prétextant l'immoralité de son ex-femme. Carol est contrainte de prendre ses distances avec la femme qu'elle aime. Ce qui surprend d'abord est le contraste entre le caractère très conventionnel de la relation entre les deux femmes, et la réception que la société américaine des années 50 en fait. Des premières discussions aux échanges plus passionnés, préludes à l'expression du désir, tout reste très chaste et raffiné. Elles appartiennent à des classes sociales très éloignées, ont une grande différence d'âge, mais ce n'est pas ce que leur entourage trouve choquant. Il est assez rare de voir au cinéma une relation homosexuelle qui ne tourne pas au tragique, ou à la caricature. Carol fait partie de ces films qui éclairent d'un jour nouveau les injustices du passé, pas si lointain, et qui se conjugue encore au présent dans de nombreuses parties du monde.

Il y a beaucoup d'exemples de films avec un acteur plus âgé que celle qui joue sa compagne. "50 nuances de Grey", "Ce que veulent les femmes", "Coup de foudre à Notting Hill", 7 ans. "Casablanca", "Happiness Therapy", 15 ans. Parfois, la réalité dépasse la fiction. Quand Richard Gere emmène une Julia Roberts faire les magasins dans "Pretty Woman", il n'y a "que" 18 ans d'écart. Le même homme s'est marié avec Alejandra Silva qui a 34 ans de moins que lui. Je me suis amusé à répertorier ces différences dans un grand nombre de comédies romantiques. J'arrive à une moyenne de 8 ans de plus pour les acteurs par rapport aux actrices. Et cela, même en incluant des films dans lesquels les partenaires ont le même âge, ou bien quand la femme est la plus âgée du couple. Le cinéma nous renvoie une image déformée de la réalité, et crée une norme là où il ne devrait pas y en avoir. Pourquoi les scénarios prennent-ils des détours pour nier la réalité ? L'amour est libre des contraintes sociales, culturelles ou ethniques. Il n'est beau que s'il est partagé. Les grandes différences d'âge existent, mais elles sont de plus en plus rares.

"L'amour naît d'une attraction involontaire, que notre libre arbitre transforme en union volontaire" Octavio Paz

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