26/09/2010 à 14h46
Chasseurs cueilleurs

Chasseurs-Cueilleurs


Les êtres humains redeviennent-ils des chasseurs-cueilleurs ?


Dans un monde ou la chasse aux sangliers s'est changée en chasse aux profits et la cueillette des fruits est devenue cueillette des biens de consommation, on peut se demander où est le progrès.






Il semble que nos tâches quotidiennes se résument souvent à mettre en route des machines dont on ne comprend pas le fonctionnement, et à chercher une astuce pour conjuguer notre emploi du temps avec les contraintes familiales et professionnelles. En comparaison, on cherchait autrefois une manière plus efficace pour chasser du gibier afin de nourrir sa famille. Y a-t-il vraiment une différence ? Les courses au supermarché sont également une sorte de contrainte que nous vivons comme un progrès. Il va de soi que si nous devions nous regrouper en coopérative pour faire pousser du blé et produire nos céréales, traire les vaches et faire pousser nos fruits, les choses se compliqueraient légèrement ! Le petit déjeuner demanderait un travail énorme. Sans compter l'aller-retour en Colombie pour aller chercher des grains de café… En fait, nos tâches se résument à cueillir le café moulu à l'arbre-étalage du grand magasin, y récolter un paquet de muesli et faire le plein de lait demi-écrémé.




Qui sait encore pratiquer l'agriculture et l'élevage ? Le savoir-faire paysan est en effet détenu par une population restreinte en France. Les agriculteurs représentent environ 3,3% de la population active selon l'Insee en 2007. La mécanisation du monde paysan et l'amélioration des techniques agricoles ont permis cette mutation dans les pays développés. Les élevages intensifs sont dans la continuité de cette logique de productivité. La capacité naturelle du sol à produire de la nourriture est très différente d'une région du Monde à l'autre. Dans certaines forêts tropicales, le prélèvement sur le milieu naturel suffit à assurer sa subsistance, sauf en cas de surpopulation. Au Pakistan, où 80% de la population vit de l'agriculture, les famines se succèdent car les accidents environnementaux sont fréquents. Mais quand moins de 5% de la population vit de la terre, la surproduction entraîne également des conséquences néfastes (environnementales et sociales). La solution se situe entre ces deux extrêmes : tâches répétitives et main d'œuvre humaine d'une part et monoculture intensive d'autre part. Pourquoi ne favorise-t-on pas une production locale de vente en direct qui viendrait épauler l'agriculture et l'élevage de masse ?






photo Y. Arthus-Bertrand

Le problème de l'indépendance alimentaire des populations se pose donc en ces termes : Les pénuries souvent liées aux aléas climatiques, à la générosité de la nature et au progrès technologique. Mais maintenant elles peuvent également être organisées par une communauté qui détient le savoir ou la matière première. Une région productrice peut décider de prendre les richesses ou le pouvoir en créant de la rareté. Paradoxe de la situation : les agriculteurs européens n'ont plus l'indépendance financière qu'ils avaient il y a 20 ou 30 ans. Il faut dire que dans le même temps les organismes intermédiaires (centrales d'achat et grande distribution) ont réussi à augmenter leurs marges ! De plus, la spéculation financière sur les ressources alimentaires aggrave la situation en anticipant le risque de diminution des stocks.


Pour résumer, ceux qui vivent de ce que la Terre met à notre disposition (pêcheurs, agriculteurs, éleveurs,…) sont toujours en première ligne des changements environnementaux. Evidemment, la Terre produit aussi un liquide noir, visqueux et inflammable.


Il est étonnant de voir que le problème est surtout lié à la maîtrise de l'énergie. Yann Arthus-Bertrand du haut de son hélicoptère nous le dit dans chacun de ses films ! Dans les pays développés, le pétrole nous affranchit de certaines contraintes. Des tâches que l'être humain ou les animaux accomplissaient autrefois sont maintenant réservées aux machines. Ce même pétrole est un des facteurs principaux du réchauffement climatique. Que se passera-t-il quand le pétrole disparaitra ? Il faut lire pour cela les conclusions du GIEC ( à retrouver ici )


Les solutions de facilité vont disparaitre avec l'énergie fossile. Il faudra mettre un frein à notre appétit naturel pour la croissance. Notre mode de vie va lentement se modifier. Mais pour l'instant, il n'est pas nécessaire de tout changer se dit-on. On va faire du compost, manger bio et mettre des ampoules à économie d'énergie. Baisser la température du chauffage (première source de gaspillage en France). Ah oui, il faut fermer le robinet quand on se lave les dents… Sérieusement ? Les hommes vont-ils durablement freiner leurs penchants naturels parce qu'on leur demande gentiment ?


Prenons cet exemple : un pâturage qui n'appartient à personne. Les éleveurs qui sont autour de cette parcelle auront tout intérêt à y mettre une vache supplémentaire, et à ne pas entretenir le champ car cela aurait un coût. Chaque vache supplémentaire réduit les chances que ce champ puisse nourrir tout le monde. Le résultat, même si on le sait parfaitement, est que ce terrain va devenir un champ de boue. En effet, aucun éleveur ne va accepter de laisser l'opportunité d'utiliser cet espace vierge à un autre. Le conflit devient alors inévitable. C'est un dilemme, que seuls des individus capables de tempérer les tendances expansionnistes de l'homme pourraient résoudre.







L'histoire est riche d'expériences écologiques désastreuses. Et si la solution passait non pas par un changement mais par une révolution ? Les petites économies, les demi-mesures, vont nous donner l'impression qu'on a fait les bons choix. Quand on voit comment nos prédécesseurs ont vécu ces changements, on se dit qu'il faudrait s'en inspirer (ou pas).


Exemples : les pêcheurs près de la Mer d'Aral, Les habitants de Rapa-Nui, le Thon rouge ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Thon_rouge ). Une expérience intéressante est menée dans le nord de l'Europe, sur le bois de Saule ( http://www.aile.asso.fr/valorisation-de-la-biomasse/wilwater )


Finalement, il nous reste la solution qui consiste à prévoir ce changement radical, et à l'accompagner. Le statut de la Terre est passé en quelques siècles d'un territoire infini à conquérir à un espace limité. L'extension de la population humaine est exponentielle, et à moins de construire des maisons sur la surface de la mer, on risque de se marcher un peu dessus dans moins de 50 ans. Comme disait Malthus, plus on est de fou, moins on a de riz. Les ressources alimentaires augmentent moins vite que le nombre d'individus à nourrir. Cet argument est souvent utilisé par les défenseurs des O.G.M., qui préfèrent prendre le risque de manipuler le vivant que de laisser des populations mourir de faim.


Après avoir dépassé le stade de l'exode rural, du déclin de l'industrie, du réchauffement climatique, que nous restera-t-il à accomplir ? Il faudrait bien sûr éviter de tout faire sauter… avec des équipements militaires et technologiques de plus en plus perfectionnés.


Qui sait réparer une machine qui ne fonctionne plus ? Les services après-vente des grands-magasins font de plus en plus de remplacements au lieu de réparer les produits qu'ils nous ont vendu. Nous sommes confrontés au quotidien à des outils qui se remplacent, qui s'échangent. Que se passera-t-il le jour où nous ne pourrons plus remplacer ces machines ? Notre stratégie face à la technologie est souvent de chercher le produit le moins cher et le plus efficace. Les hommes préhistoriques eux aussi réagissaient de cette manière. Ils ont découvert qu'un silex est plus facile à tailler que d'autres pierres. Pourquoi ne pas chercher plutôt à fabriquer des machines propres et qui correspondent mieux à nos besoins ?







Le nombre d'ouvriers et de mécaniciens entre 1950 et 2007 est passé de 40% à 22% de la population active. Même si les ingénieurs sont les plus à même de créer des machines, le savoir-faire d'un ouvrier est indispensable à la réalisation d'un objet fonctionnel, et à sa réparation si besoin est. Il semble que les principaux domaines de production se regroupent progressivement en Chine à cause des salaires très faibles. Ce n'est donc pas un hasard si des outils nouveaux, destinés à un usage très ciblé sont fabriqués là-bas. La Chine n'est pas devenue la deuxième puissance économique par hasard. Les chinois ont la main-d'œuvre et maintenant le savoir-faire pour réagir rapidement quand un nouveau besoin se fait sentir. Même si il n'en a pas fini avec la contrefaçon, l'Empire du Milieu est maintenant à l'aise et développe de nouveaux produits avec ses propres moyens.


Le déferlement de produits manufacturés est tel que les occidentaux ne pourraient plus se passer de « l'Usine du Monde ». Conscients de cette dépendance, certains consommateurs ont essayé pendant un an de vivre sans produit fabriqué en Chine ( http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/dur-dur-de-se-passer-des-produits-chinois_122665.html).








Les « cueilleurs » occidentaux vont-ils continuer à prélever ce que l'Asie produit à bas coût quand la raréfaction du pétrole va entraîner l'augmentation des frais de transport ? Les « chasseurs » de bonnes affaires ont des soucis à se faire en tout cas !


Les premiers cueilleurs qu'étaient Adam et Eve ne vous diraient pas le contraire : sur son Jardin-Terre, homo-sapiens-sapiens doit moins penser à son porte-monnaie et arrêter de surexploiter son environnement. L'histoire de l'homme est un éternel recommencement, les habitants de Nauru à force de chasser le phosphate sur leur île de 21 km² en ont subi les conséquences catastrophiques. Un homme averti en vaut deux, mais il est quand même inquiétant de se rendre compte que nous avons pris le même chemin que cette population d'à peine 1500 individus, en proie à un véritable crash en plein vol. Pas sûr que cela nous serve de leçon.





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