Pourquoi joue-t-on ? (aux jeux vidéo)

Table des matières

  1. A quoi ça sert de jouer ?

  2. Serious Game/Gamification

  3. L'éducation par le jeu

  4. Le jeu thérapeutique

  5. Mon expérience

  6. L'abrutissement vidéo-ludique : sexisme et violence

  7. L'addiction aux jeux vidéo, constat et raisons

  8. La professionnalisation du joueur

  9. Et maintenant, on fait quoi ?


Article du 01/02/2015 (update 22/02/2021)


D'aucuns diront qu'il faut avoir beaucoup de temps libre pour se poser cette question. Se la pose-t-on uniquement dans les pays développés ? Quelle importance a pris le jeu vidéo dans nos vies, et surtout qu'est-ce qui motive cette pratique ?

Répondez au questionnaire pour nous dire vous aussi quelle est votre motivation pour jouer:

 

Un rapide constat: le phénomène est mondial et déconcertant. Il s'est vendu plus de 100 Millions d'exemplaires de la console « Wii », et 157 Millions de « Playstation 2 » dans le Monde. Cette année, le chiffre d'affaire des jeux sur smartphones et tablettes va dépasser celui des consoles. Certains jeux pour téléphone portable sont téléchargés des Millions de fois, et atteignent parfois les 100 Millions d'adeptes. Quelle motivation pousse de si nombreuses personnes à jouer ? Certains comparent le jeu vidéo à une drogue. Des addictologues soignent des accros aux jeux en ligne type MMORPG dont beaucoup sont des jeunes en manque de repèresi. Pourtant, la fuite de la réalité n'est pas l'apanage des gamers: les cinéphiles et les lecteurs de romans en sont tout aussi coupables. Quant au flux télévisuel continu, il nous incite sans doute à la paresse intellectuelle. Une réaction naturelle consiste à prendre le contrôle de ce qui se passe à l'écran. Les réponses qui nous venaient à l'esprit en premier ne répondent donc pas intégralement à la question. Pourquoi lit-on ? Pourquoi regarde-t-on des films, combien de temps passe-t-on devant la télévision tous les jours ? La société des loisirs va-t-elle succéder à la société du travail ?

Qui sont-ils d'ailleurs ces joueurs ? Longtemps considéré comme un loisir pour enfants, le jeu vidéo s'adresse maintenant à toutes les tranches d'âge. Même si les joueurs de plus de 50 ans sont peu nombreux, ils ont bien adopté le web et les smartphones, et sont attirés par les jeux de hasard. D'ailleurs, comme le démontre une étude du CNCii, plus de 71% des français jouent au moins occasionnellement et la moyenne d'âge des joueurs est de 31 ans. Qui n'a pas joué à Tetris ou au Solitaire sur son PC au moins une fois ? Contrairement à ce qu'on pense habituellement, il y a maintenant presque autant de joueuses que de joueurs.

 

"Les jeux des enfants sont de graves occupations. Il n'y a que les grandes personnes qui jouent." Henri Barbusse

 

Reformulons la question: Doit-on s'offusquer de voir des enfants rester enfermés chez eux sur la console alors qu'ils pourraient profiter du soleil ou s'amuser avec leurs camarades, comme le pense Laure Manaudouiii? A-t-on le droit de jouer alors que notre vie est si courte ? Un adulte a-t-il le droit de faire une partie de Pokémon? N'a-t-il pas mieux à faire ? Aider son prochain par exemple, transmettre ce qu'il sait aux autres, agir pour empêcher des drames. On est en droit de se demander si, à force de nous réfugier dans le virtuel, nous ne nous dirigeons pas vers une vie bien gâchée (A Life Well Wasted excellent podcast en anglais à écouter sur le sujet). Notez bien que la plupart des gens ne sont pas des bienfaiteurs de l'humanité. Pas besoin d'être un gamer pour être un égoïste, ou se laisser aller à la procrastination. Tout ce temps perdu, cela n'aurait servi à rien ? Ou alors s'entraîne-t-on en jouant à des tâches que nous ferons sérieusement plus tard ?

Les joueurs d'échec le savent bien, cette passion pour le jeu améliore leur capacité à raisonner et leur vivacité d'esprit. On peut en effet penser que les séances virtuelles, pratiquées sans peur des conséquences, peuvent nous préparer efficacement à une réalité qui aura été simulée à loisir. C'est le but avoué des concepteurs de « Serious Games »iv. Jouer sérieusement ? Derrière cet oxymore se cache un concept dont on devine le potentiel pédagogique. Le coût de production de ce type d' « edutainement » les destine à des cas précis, souvent difficiles à reproduire (danger immédiat, handicap, utilisation d'appareils volumineux ou fragiles,…). Pour rendre une formation professionnelle plus efficace, ils sont utilisés sous forme de jeux de rôle. La règle à suivre est de ne négliger aucun de ces trois aspects : amusement, méthode pédagogique, information à retenir. Si la partie ludique est négligée, l'objectif n'est pas atteint, or c'est souvent la partie que les formateurs maitrisent le moins. Certains vont se servir de cet outil pour mieux vendre leurs produits, éduquer des citoyens, des soldats, des usagers ou les employés d'une entreprise. Le panel des jeux « sérieux » va donc de la mise en garde contre l'alcool au volant jusqu'à la technique la plus efficace pour tuer un ennemi. Car ces outils ont une face sombre. L'armée américaine s'en est servi pour inciter les jeunes à s'engager. Certaines sociétés s'en servent pour manipuler les comportements des consommateurs, et des sectes pour recruter des fidèles. On accuse également ces jeux de pervertir le but final d'une expérience ludique, qui est de s'amuser ! Dans la plupart des cas, il s'agit heureusement de corriger certains de nos défauts, et de faciliter la prise de conscience de certaines personnes. Ces jeux peuvent nous aider à adopter les bons gestes, comme face à un accouchement par exemple. En dehors de ces expériences dirigées vers un but précis, les jeux « pas sérieux » passent vraiment pour une perte de temps. Il semble en effet difficile de voir un quelconque intérêt à faire des lignes de bonbons identiques ou à voler des voitures dans un jeu!

"L'opposé du jeu n'est pas le sérieux mais la réalité." Oscar Wilde

De « casual » à « hardcore gamer »), il y a une marge. Listons ici les qualités requises pour être un « bon joueur »: la rapidité, l'intelligence, la mémoire, la persévérance, le sang-froid. Après avoir jonglé rapidement sur sa console de jeu, on peut en déduire intuitivement qu'il sera plus facile de le faire dans la vie. Tout du moins, on pourra garder son calme face à des problèmes qui se présentent simultanément. Il y a donc des effets positifs collatéraux.  

 

Face à une décision à prendre, les « gamers » sont plus rapides que les autres, d'après cette étudev. Il y a fort à parier que des sessions ludiques nous entraînent à mieux travailler, et qu'un jeu de gestion nous aide à maitriser notre budget. A moins que nous apprenions simplement à mieux tricher…ce qui semble assez logique quand on cherche à maximiser son « score ». On espère que le nouveau ministrevi des finances grec a trouvé des réponses aux problèmes des son pays suite à son passage remarqué dans une entreprise qui vend des jeux vidéo (la plate-forme de téléchargement « Steam »). Mais la pratique intensive d'actions complexes dans un jeu a un autre effet. Notre capacité à nous concentrer est parfois tellement intense qu'on ne réfléchit même plus à ce qu'on doit fairevii. A force de réaliser des actions répétitives, va-t-on se transformer en robots dénués de toute émotion ? Certains jeux suscitent la compassion, l'esprit d'équipe et la concertation. On peut juste regretter qu'ils ne soient pas plus nombreux ! Dans la réalité, l'interaction entre les joueurs consiste souvent à tirer une balle dans la tête de son adversaire. D'autres expériences de jeu nous confrontent à des choix cornéliens. Nous sommes parfois poussés à réfléchir à ce que nous devrions faire face à un dilemme. Dans les créations du studio « Dontnod », comme "Life is strange" laisse au joueur le soin de prendre des décisions sans qu'il sache quelles répercussions elles auront sur le cours de l'histoire. Ces situations peuvent nous amener à comprendre où sont nos priorités. Un jeu peut-il nous aider à savoir qui nous sommes ?

Une carotte, oui. Mais où est le bâton ?

Bien souvent, la « gamification » consiste à faire passer la pilule quand on veut d'un client qu'il effectue des tâches rébarbatives. Par exemple, remplir un formulaire de renseignements pour gagner une médaille virtuelle, ou répondre à un questionnaire de satisfaction pour gagner des points. Parfois, c'est la poubelle qui vous remercie d'avoir jeté un objet au bon endroit. Heureusement, d'autres concepts vont bien au-delà du simple quiz, ou vous épargnent la peine de cliquer au bon moment sur un bouton. Imaginez que vous participez à la survie d'un groupe d'êtres humains virtuels dans un monde post-apocalyptique. Vous jouez un rôle dans la production de spiruline (une algue comestible) d'une vraie ferme située dans les Cévennes. Voilà un objectif plus engageant. Viridis est une véritable expérience coopérative à mi-chemin entre les jeux de gestion et d'aventure. A mesure que vous gagnez de l'expérience dans la partie virtuelle, vous pouvez donner votre avis sur les décisions à prendre pour améliorer la culture de l'algue dans une ferme bien réelle. Quantité d'eau à verser dans les bassins, achat d'une batterie ou de panneaux solaires. Toutes ces actions doivent être prises à la suite d'un débat démocratique. La partie virtuelle n'est pas négligée, avec une musique angoissante, des décors en ruine et une brume menaçante dont les effets délétères ne peuvent être contrés que par l'ingestion de « viridis » (le nom de la spiruline dans le jeu). Intégrer du « gaming » dans des sujets graves va peut-être nous permettre de sauver des « vraies » vies. Foldit est un concept nouveau. En convertissant un simulateur austère de repliement des protéines en un jeu, des scientifiques ont rendu leurs problèmes accessibles à des non-initiés. L'interface est celle d'un divertissement coloré et amusant. A chaque niveau dépassé, la difficulté augmente. Les derniers niveaux consistent à présenter des problèmes que ni les ordinateurs, ni les spécialistes n'arrivaient à résoudre. Des solutions trouvées par des joueurs ont rendu possible la découverte de futurs traitements contre le VIH, et optimisé des procédés sur lesquels des chimistes travaillaient sans succès. Autre exemple : Phylo, est un puzzle-game dont le but est de reconstituer des séquences ADN. Les scientifiques utilisaient des algorithmes qui n'arrivaient pas à bout de problèmes que l'esprit humain sait traiter. D'où l'idée de remplacer ce travail automatique par un jeu dans lequel il faut imaginer des solutions alternatives. En jouant, on améliore les propositions de la machine. Les solutions trouvées par les joueurs sont ensuite intégrées dans les recherches sur la comparaison et l'identification des séquences ADN dans le génome. Les effets de ces jeux sur le grand public consistent également en une prise de conscience éducative.

La typographie. Quel sujet rébarbatif me direz-vous ! Hé bien non. Le jeu « Type:Rider » créé par COSMOGRAFIK va vous apprendre à aimer cet art. S'inspirant des meilleurs jeux indépendants de ces dernières années (Badland, Limbo, Element4l,...) cette co-production d'Arte et de la société Ex Nihilo vous fait revivre la grande épopée de la création des polices de caractères. Dans l'ordre chronologique, on découvre le gothique, le Times New Roman, le Futura, l'Helvetica et tant d'autres, dont la fameuse police « Comic Sans » dans un niveau complètement déjanté. Dans ce jeu de plateforme, on déplace deux points de suspension et on essaye d'éviter les pièges dans un environnement quasiment entièrement composé de lettres et de chiffres. Le niveau consacré à Clarendon vous plonge carrément dans un western, avec ses coups de fusil et les petits chariots d'une mine d'or de l'Ouest sauvage ! Si vous jouez bien, et que vous attrapez les astérisques, les secrets de chaque police vous sont révélés dans une sorte de livre virtuel à feuilleter.

La guerre. Un père de famille suédois a voulu montrer à ses fils quelle réalité accompagne la lutte armée, car il lui semblait que des jeux violents (Call of Duty,...) donnaient un aspect édulcoré aux combats, et cachaient leurs conséquences funestesviii. Partis au Proche-Orient, confrontés aux blessures par balle et aux pénuries, il n'est pas sûr que ces enfants touchent encore à leurs manettes de retour en Suède. Mais tous les jeux qui mettent la guerre en scène ne font pas l'impasse sur l'horreur et la misère qu'elle entraîne. « This War of Mine », développé par les polonais de 11 bit Studios vous propose de vivre le quotidien des populations civiles dans une ville touchée par un conflit armé. Le jour: se cacher, récupérer de la nourriture, fabriquer des objets utiles. La nuit: visiter des zones du quartier pour récupérer de quoi survivre, au risque de tomber nez-à-nez avec des miliciens... Petit détail: on mange ce qu'on trouve (des rats par exemple) et on meurt souvent dans ce jeu. Parfois, il faudra sacrifier des camarades pour maximiser les chances de survie des autres. Et qui mieux pour nous faire comprendre la leçon que les personnages eux-mêmes. Leurs autobiographies sont rédigées au fur et à mesure de leurs expériences traumatisantes. Reste à savoir si vous aurez envie de finir le jeu après avoir lu le récit de leurs tourments.

La corruption. Tout le monde est d'accord pour lutter contre ce fléau. Assis au fond de notre canapé, il nous semble évident que tout doit être fait pour l'empêcher. Inutile de polémiquer. Certaines personnes empochent des pots-de-vin et ne les ont pas mérités. Maintenant, mettez-vous à la place d'un garde-frontière dans un pays de l'Est en 1982. Votre métier est de vérifier les papiers (passeports, permis de travail, cartes d'identité,...) des personnes souhaitant entrer dans un pays imaginaire: Arstotzka. Votre salaire vous permet à peine de survivre. L'Etat est omniprésent et totalitaire. Il vous donne des ordres absurdes qui changent quotidiennement. Votre famille dépend de vous et le moindre écart de conduite vous coûte la nourriture de la journée ou le chauffage de votre minuscule appartement. C'est la vie que vous propose de vivre Lucas Pope dans son jeu « Papers, Please », BAFTA 2014 du jeu de stratégie et de simulation. Quoi de plus évident pour comprendre la corruption que de devenir corrompu... car il n'y a pas d'autre solution pour rester en vie parfois. L'autre choix consiste à se sacrifier, à être dénoncé par ses voisins ou à quitter le pays en laissant sa famille se débrouiller ! Bien sûr, aucun de ces choix n'est satisfaisant. En un sens, le jeu vidéo atteint l'âge adulte quand il sort du manichéisme, ce qui est le cas ici. En faisant revivre le quotidien de soldats pendant la Guerre de 14-18, le jeu « Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre » a sans doute le même rôle éducatif. Eduquer, et pourquoi pas soigner ?

Docteur Mario

Avec plus de 50 comprimés d'antidépresseurs par jour pour mille habitants, la France fait partie des plus gros consommateurs de ces médicaments prescrits contre l'anxiété, les phobies et la dépression. Certaines pathologies nécessitent de trouver de nouvelles thérapies, en complément d'un traitement classique, ou quand tout le reste a échoué. Des psychologues testent l'effet des consoles de jeu ainsi que d'autres formes d'interactions ludiques dans le but de soigner. En utilisant des jeux vidéo pour dépasser des barrières, ils cherchent des moyens pour ouvrir de nouvelles voies vers une médecine raisonnée. Afin de favoriser la communication avec des enfants enfermés sur eux-mêmes, Yann Leroux et Michaël Storaix ont utilisé le jeu Ico , dont l'univers est particulièrement adapté aux troubles liés à l'inhibition. Le personnage principal, un garçon rejeté à cause des cornes qui poussent sur sa tête, essaye de s'échapper d'une forteresse en protégeant Yorda, une jeune fille, contre le danger qui les entoure. Le joueur doit tenir la main de Yorda en appuyant sur un bouton de la manette, ce qui crée un lien physique intense. S'il lâche le bouton, la jeune fille peut être emportée par les ombres menaçantes. S'il ne lâche pas sa main, il lui est impossible d'ouvrir des portes et donc de progresser vers la sortie de cette prison. Mais ces jeunes patients ne font pas toujours ce que le concepteur du jeu (Fumito Ueda) a prévu. C'est ainsi que s'ouvrent des sujets de discussion avec le psy. Pourquoi ne veut-il pas tenir la main de la fille ? Ou au contraire pourquoi n'arrive-t-il pas à lâcher la main de la fille ? Sans doute y a-t-il des enseignements à tirer pour l'enfant, et les réponses à ces questions ouvrent des dialogues qui n'auraient pas eu lieu dans des circonstances différentes. Pour d'autres pathologies comme la maladie d'Alzheimer, des jeux qui stimulent le corps et l'esprit sont souvent utilisés dans les maisons de retraite. Dans le cadre d'ateliers mémoire, les soignants invitent les patients à chanter ou à faire des jeux de société. Des séances ludiques les incitent à faire des mouvements avec une manette ou avec leur corps. Sans doute ne les auraient-ils pas fait sans cet artifice. Dans le combat contre le cancer, certains médecins prescrivent soi-disant des séances de jeu pour diminuer la quantité d'anti-douleurs prescrits à la suite d'une chimio-thérapie. Dans une autre mesure, des jeux destinés au grand public permettent de faire du sport ou de la danse, comme « Wii Sports » et « Just Dance ». Ils contribuent à lutter contre l'obésité, le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Pour ce qui me concerne, j'ai trouvé le traitement parfait pour surmonter un chagrin d'amour: 100 heures de Final Fantasy (je vous conseille le 7) m'ont aidées à combler les peines du coeur et à sécher les larmes. Ca sent le vécu...

Quant à moi, je me pose la même question. Pourquoi est-ce que je joue ? C'est devenu une habitude depuis que j'ai découvert « Pong » chez un copain quand j'avais 6 ans. J'en ai maintenant 39, mais je perds encore mon temps sur des jeux qui ont évolués au même rythme que moi, et continuent à stimuler mon imagination. Pac-Mac existe déjà depuis plus de 30 ans, mais continue d'amuser les petits et les grands. Il y a 17 ans, jamais je n'aurai pensé que maîtriser le déplacement d'un personnage en forme de part de pizza me serait utile. Pour mes « 3 jours », une journée d'évaluation de l'Armée pour feu le service national, j'ai été convoqué en janvier 1998 à Mulhouse dans une caserne. Après les tests visuels et auditifs, je me suis retrouvé devant un ordinateur qui devait évaluer ma capacité à conduire un char. En fait, j'étais devant un écran de jeu vidéo. Avec une manette, je devais faire sortir une navette rouge et blanche d'un labyrinthe. La fusée explosait si on touchait les murs qui délimitaient l'aire de jeu. A chaque niveau supplémentaire, la difficulté augmentait : la fusée allait plus vite, les contrôles s'inversaient. C'était comme Pac-Man, sans les fantômes,…facile pour moi ! Après le test, le recruteur m'a dit que je pouvais choisir dans quelle unité je souhaitais aller. Je me suis dit que si je n'avais jamais pratiqué les jeux vidéo, je n'aurais jamais réussi ce test. Encore aujourd'hui, dans mon activité professionnelle, je suis souvent confronté à des anomalies ou des dysfonctionnements. Mon attitude consiste à chercher la solution en multipliant les manipulations, les recherches et l'expérimentation. Ce n'est pas juste une démarche scientifique. Je fais cela sans baisser les bras tant que je n'ai pas trouvé la solution. On peut dire que c'est un moyen efficace de résoudre les problèmes. C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai pris mes responsabilités là où d'autres ne savaient pas quoi faire. Cet état d'esprit, je le dois sans doute à l'entrainement vidéo-ludique. Mon habitude du clavier et de la souris vient sans doute aussi de là. Evidemment, chaque médaille a son revers. La contrepartie, c'est le sacrifice en temps passé avec des amis, et le malaise que je ressens quand d'autres font la fête et que je reste enfermé à jouer.

Lara Croft, l'héroïne de "Tomb Raider", avant et après...

Mais je joue aussi pour être le témoin de l'évolution rapide de la technologie, de réalité virtuelle et de l'immersion toujours plus grande qu'elle procure. Parfois, je termine un jeu difficile juste par défi ou par amour propre. Si jamais on me demande à quoi ça me sert de jouer, je réponds « À rien », en souriant de façon ironique, car c'est un peu vrai. Mais au fond de moi, comme une évidence, je sais qu'il en est autrement. Comment ne pas ressentir de la gratitude envers les plus grands créateurs que sont Shigeru Miyamoto, Will Wright, Hideo Kojima, Michel Ancel, Eric Chahi et bien d'autres ? Ils contribuent à rendre notre quotidien moins monotone, et jouent en cela le même rôle que les grands réalisateurs de films et les grands écrivains. En levant les yeux au ciel entre deux chapitres d'un bon livre, on a parfois le sentiment de se dépasser, et d'exercer son imagination. Il m'est arrivé d'avoir la même sensation après avoir résolu une énigme dans Zelda. Sans aucun doute, jouer (à des bons jeux) est un formidable moyen de mesurer sa force, d'éprouver son courage et de prouver sa sagesse… tant qu'on ne se berce pas d'illusions et qu'il s'agit d'une pratique modérée. Car la simulation n'est pas la vie, même si elle tend à s'en approcher, et il faut toujours se méfier de notre crédulité.

Passer sa vie à jouer devant un écran nous rend-t-il vraiment abruti ? C'est la question qu'on peut se poser face à la bêtise de certains joueurs (pas que des jeunes d'ailleurs). Mourir et recommencer, voilà une bonne définition du jeu. Si on oublie que le temps existe, si on ne fait que jouer, il y a de fortes chances pour qu'on passe à côté de sa vie. Le développement de jeux gratuits, dont le modèle économique consiste à nous proposer des options payantes et à afficher de la publicité, a fait apparaître une nouvelle génération de joueurs. Même si la plupart des gens qui téléchargent ces jeux ne dépensent jamais rien, certains veulent absolument dépasser leurs amis et annoncer fièrement « -Je suis au niveau 99, et toi ? ». L'autre solution consiste à réclamer des vies supplémentaires toutes les cinq minutes à vos connaissances sur facebook, quitte à perdre tout ses amis. Quand un individu aime à se retrouver dans des situations sans conséquences, c'est-à-dire devant une simulation, il peut se complaire dans une forme de paresse. D'autant que l'absence d'effets positifs ou négatifs, qui fait l'intérêt de ce divertissement, peut nous habituer à perdre le sens des conséquences. Or, l'inconséquence nous fait faire des choses illogiques ou blessantes. Sur ce dernier point, on peut distinguer l'humour et la moquerie. Si vous trouvez un ami suffisamment aguerri pour résister à vos vannes, alors tout va bien. Par contre, si vous lancez des piques à tout le monde, vous risquez de finir bien seul. Heureusement, il vous reste à appliquer votre formidable esprit critique (sic) sur les autres, sous le couvert de l'anonymat des forums sur internet. Préparez-vous donc à devenir un personnage cynique, n'ayant aucune retenue dans son jugement sur les autres, en d'autres termes, un « troll ». Au fait, comment dit-on ce mot au féminin, une « trolle » ?

La natalité des japonais est en berne. La pression sociale y est tellement forte que les nippons n'arrivent pas toujours à fonder un foyer. Certains hommesx se contentent d'une petite amie virtuelle (comme dans le film « Her » de Spike Jonze).

Est-ce qu'on joue pour éviter de se confronter à la réalité d'une relation amoureuse passée ou fantasmée ? La blessure provoquée par la frustration du désir met du temps à cicatriser. Les mondes virtuels semblent être un obstacle à la vie à deux. A tel point que les sites de rencontres s'appliquent à avoir un espace réservé aux "geeks", et que certains se sont spécialisés dans le secteur de ces célibataires asociaux que sont les fans de jeux vidéo. Si une femme cherche à adopter un "gamer", des marieuses virtuelles sont là pour favoriser le travail de Cupidon. Elles n'hésiteront pas à préciser de cet homme barbu qui porte des lunettes à monture épaisse qu'« -il est très joueur, vous verrez »... Dans une vie parfaite, car écrite avec des 0 et des 1, il n'y a pas de déceptions, ni d'accidents. Un mariage numérique pourrait-il s'engager sur cette maxime « pour le meilleur et pour le pire » ? En tout cas, les jeux vidéo n'ont pas l'air de favoriser la bonne entente entre les hommes et les femmes.

 
 

C'est aussi le constat accablant qu'en fait une joueuse. L'article a fait sensation, il dénonçait ce qui crève les yeux: les jeux vidéos sont sexistes. Mar_Lard, dans sa longue explication documentéexi, met le doigt sur ce qui gangrène le monde des joueurs. La majorité « visible » de cette communauté est composée de jeunes hommes dont les déclarations sont rarement plus subtiles que les rots qu'ils lâchent en finissant leur bière. Son site « Machisme Haute Fréquence » compile des articles sur le sexisme dans le jeu vidéo. A défaut de convaincre ses homologues masculins, elle aura eu le mérite d'ouvrir le débat. Certains hommes joueraient-ils pour voir des femmes transformées en objet, afin d'exprimer leurs instincts bestiaux ? Le problème est flagrant dans des jeux en ligne, où les femmes se dotent souvent d'un avatar masculin par obligation. Le harcèlement est systématique si elles choisissent un personnage féminin. Toute tentative de repousser les assauts répétés, et les sous-entendus à connotation sexuelle, se soldera par un tombereau d'insultes déversé sur ladite joueuse. Il suffit de regarder les commentaires stupides que l'article de Mar_Lard a suscité. Aux Etats-Unis, la prise de conscience s'est cristallisée autour du « Gamergate ». La forte odeur de testostérone qui imprègne certains forums sur internet donne des haut-le-cœur. Ces pages ou s'amoncèlent des insultes ont atteint un sommet quand Anita Sarkeesian a souhaité réaliser un documentaire sur le sujet. On connait d'autres lieux IRL où il n'est pas possible pour une femme de s'afficher en jupe et talons hauts, sous peine de subir des remarques insistantes ou des menaces de viol. Ces lieux peuvent d'ailleurs se trouver dans la rue ou dans le bureau d'un PDG. Posons les limites à ne pas dépasser: vous avez le droit de fantasmer sur votre voisin/voisine que vous ne connaissez pas, mais si vous l'obligez à écouter comment vous pensez à lui/elle, c'est du harcèlement. Surtout si vous le faites en présence de vos amis. Car il n'y a qu'un pas entre cette franche camaraderie, cette véhémence dans les propos, et le passage à l'acte.

C'est trop abusé !

Le débat sur la violence dans les jeux est ancien, et beaucoup d'articles en parlentxii. Les américains ont été les pionniers dans ce domaine, et les fictions qui représentent des scènes violentes y sont probablement plus nombreuses qu'ailleurs. L'agressivité se trouve dans les jeux les mieux vendus: FPS (first person shooter comme Call of Duty), les jeux à monde ouvert type GTA (Grand Theft Auto) et les jeux de baston. Ecraser des ennemis avec sa voiture, planter des couteaux dans les yeux des adversaires, tuer des prostituées ou arracher des colonnes vertébrales y sont monnaie courante. D'ailleurs, on constate que dans ces jeux, le fait de tuer des gens permet de gagner plus points, des bonus, ou de faire avancer son personnage. On peut se demander si les gens qui apprécient cette violence seraient prêts à reproduire ces ignominies dans la vraie vie… Sans doute pas. La question a cependant été posée lors de la tragédie de Columbine. On le constate, la part des jeux violents dans les ventes mondiales est importante, exception faite des simulations de sport. Sur les jaquettes des six meilleures ventes : trois fusils, une arme de poing, des monstres… Imaginez que les salles de cinéma ne vous proposent quasiment que des films d'horreur, de zombies ou de guerre, et vous aurez une idée de la situation actuelle... Les jeux de comédie, les documentaires ou les jeux d'auteur ne font pas exploser le box-office, c'est le moins qu'on puisse dire. Si on considère la mort des ennemis comme le signe codifiée de la réussite à un test, tout cela est sans doute moins choquant. Parfois, le second degré aide à la prise de conscience, comme cette scène de torture dénonçant les méthodes de l'armée dans « GTA V »xiii. Les représentations absurdes ou exagérées (les litres d'hémoglobine) ont souvent pour objectif d'attirer l'attention sur un jeu pour des raisons commerciales. Elles évitent aussi aux développeurs et aux graphistes l'effort d'imagination nécessaire pour créer de nouvelles animations. Ces représentations irréalistes tombent dans le comique involontaire, car souvent elles nous font plus rire que pleurer. Ce qui est moins drôle, c'est l'influence qu'elles peuvent avoir sur les jeunes. Une expérience scientifique canadiennexiv, datant de l'année 2012, a étudié l'influence des jeux violents sur le comportement d'adolescents de 13 à 14 ans. Confrontés à de longues séances avec ce genre de jeux, ils n'avaient donc plus le temps de partager du temps avec leurs amis du même âge. Coupés de la réalité, ces ados semblaient plus enclins que les autres à confondre le bien et le mal. Ceux qui passaient moins de temps dans ces mondes virtuels n'étaient pas concernés par ces symptômes. Le facteur discriminant de l'influence néfaste sur la moralité des sujets étudiés était le temps passé à jouer. Même si ce genre de recherches arrivent rarement à démontrer quoi que ce soit, force est de constater que les enfants sont manipulables et fondent leur jugement sur ce qu'ils voient quotidiennement. Ils sont à un âge où on se construit une identité. Sans barrières posées par l'éducation, il y a de fortes chances pour qu'ils aient du mal à se la fabriquer.

-Why do you play Second life ? You don't even have a first one

(-Pourquoi joues-tu à « Seconde Vie » ? Tu n'en as même pas une première)

Quand des adolescents s'enferment dans leur chambre des journées entières, on est en droit de se poser des questions. Mettons-nous à la place de l'un d'entre eux. Vous êtes « Lord BattleFighter52 », un fan de jeu vidéo. Votre vrai nom ? Kevin Bouchard, 14 ans, vivant à Pontault-Combault. Votre passion pour les RPG vous entraîne à passer des heures devant votre écran. Arrivé à plus de 5 heures par jour, tous les jours de la semaine, ça devient une drogue. « Symptômes psychiques: sensation de bien être voire d'euphorie devant l'ordinateur, incapacité à stopper l'activité, passer de plus en plus de temps devant l'ordinateur, négliger sa famille ou ses amis, se sentir vide, déprimé, irritable quand on ne se trouve pas devant l'ordinateur, mentir à son travail ou à sa famille sur ses activités, problèmes à l'école ou au travail. Symptômes physiques: syndrome du canal carpien, yeux desséchés, migraines régulières, douleur dorsale et cervicale, alimentation irrégulière, repas sautés, difficultés à assurer une hygiène correcte, trouble du sommeil, changement de cycle du sommeil. » Merci pour l'info Wikipédia ! Le drogué vidéo-ludique ressemble à un zombie. Pour en arriver à une telle extrémité, il y a fort à parier que les relations qu'il avait avec les élèves de son école et avec sa famille n'étaient déjà pas excellentes. Les parents sont évidemment dépassés par la situation, confrontés à un anachorète peinant à s'exprimer distinctement, les rares fois où il sort de sa chambre pour assouvir un besoin naturel. Le cercle vicieux s'installe, coupant progressivement le lien entre l'être humain et le monde qui l'entoure. Ce genre de situation aboutit parfois à des drames, notamment cet évènement : un père a tué accidentellement son filsxv à cause de son addiction. Sans en arriver là, certains parents détruisent (à coup de fusil, de tondeuse à gazon…) les jeux ou l'ordinateur de leur enfant, sans oublier de leur rappeler qui paye le loyer ! Un père a utilisé une astuce plus subtile: il a engagé des joueurs pour pourrir la vie de son fils dans un jeu en lignexvi afin de lui faire comprendre qu'il était temps de quitter la maison et de trouver un travail !

Les succès dans « The Stanley Parable ». J'aime bien celui qui vous incite à ne plus y jouer pendant cinq ans !

Pas étonnant que ces jeux soient addictifs: tout est fait pour nous faire continuer après un échec. Le niveau de difficulté a tellement baissé qu'on ne perd quasiment plus jamais dans les nouveaux jeux. Pour nous motiver à les terminer, les concepteurs ont ajouté également un système de récompenses, les « succès », les points à accumuler et le « ranking » pour savoir qui est le(la) plus fort(e). Ces « achievements » agités devant notre nez, comme s'il était impossible de se satisfaire de simplement « finir le jeu », en ont irrités plus d'un. Certains joueurs regrettent le « gameplay » des anciens jeux et cherchent la difficulté extrême. Dans des jeux punitifs, le principe est de ne laisser aucune part à la chance, comme dans "I wanna be the guy" par exemple. Cependant, force est de constater que la plupart des gens ne sont pas masochistes et cherchent un cocon protecteur. Le piège des « mondes persistants » est dans l'impression de manquer un événement important dès qu'on se déconnecte. Les sollicitations des autres joueurs sont nombreuses, et il y a toujours quelqu'un sur Terre pour qui c'est l'heure de jouer ! Par conséquent, on peut délocaliser sa vie dans l'espace d'un serveur informatique, et ne plus avoir envie d'en sortir. Le succès éphémère du monde virtuel « Second Life » a prouvé l'attrait des gens pour la simulation de vie « rêvée », même si on a du mal à appeler ça un jeu. Les relations sociales y jouent un rôle important, et les adeptes de cette seconde vie mettent un soin tout particulier à peaufiner leur avatar et à améliorer leur apparence physique « in game ». Par contre, rester sur une chaise de bureau pendant 7 heures d'affilé ne les rendra pas plus beaux dans la réalité.

La situation risque d'empirer dans les prochaines années vu l'ampleur que prennent les projets de casques de réalité virtuelle (Oculus Rift, Morpheus, Homido) qui fleurissent un peu partout. L'immersion totale est sans doute le but final du chemin que la communauté des joueurs tend à emprunter ces dernières années. Si le prix à payer est une coupure totale avec la réalité, on a du mal à souhaiter que cet objectif soit atteint. Les journalistes spécialisés nous le prédisent pourtant, sans oublier de préciser que ces dispositifs donnent le mal de mer. Et pourtant ils en essayent des gadgets !

enfant gaté

Il y a quelque chose de régressif dans la découverte d'un nouveau jeu, et des interactions qu'il est possible d'établir avec celui-ci. Tout comme le jeune enfant confronté à un monde qu'il ne connait pas, le joueur explore l'univers dans lequel il se trouve sans en connaitre encore les limites. Il va viser des objectifs sans toutefois les atteindre du premier coup, rappelant en cela les tentatives d'un bébé pour attraper un jouet. Face à l'échec, la frustration nous façonne et fait de nous l'être que nous allons devenir. A chaque nouveau type de jeu, il découvrira à nouveau la joie de s'adapter à son environnement. C'est cette joie d'enfant revecue sans cesse qui est à l'origine des pulsions et des pratiques addictives. Seul un monde artificiel peut nous offrir un chemin vers ce désir d'infini pouvoir. Passer sa vie dans un monde virtuel, ce n'est pas sain, sauf si c'est votre travail...?

Il est d'autant plus difficile d'expliquer un métier à mesure qu'il s'éloigne d'une production palpable et quantifiable. Parmi les secteurs d'activité économique, le secteur tertiaire a pris une importance considérable dans les pays industrialisés. Les loisirs représentent une bonne partie des emplois de ce secteur, sans qu'on sache vraiment qui arrive à en vivre. Un spéculateur sur les marchés à terme aura moins de mal à nous faire comprendre son job qu'un joueur qui se filme pour être vu un maximum de fois sur internet. L'argent est rarement une motivation pour jouer. Pourtant, comme tout loisir culturel, le jeu vidéo crée dans son sillon des magazines, des sites internet, des spécialistes autoproclamés tenant un blog, qui sont en fin de compte des consommateurs « avancés ». Certains d'entre eux, dans cette dernière catégorie, se filment et postent le résultat sur Youtube, Twitch ou Dailymotion. Le jeu est là pour l'amusement, mais également pour atteindre une certaine notoriété et bien sûr pour gagner de quoi rembourser son crédit Cetelem. Mais alors que font-ils, et qu'ont-ils droit de faire, ces « youtubeurs » ? Bien sûr, ils se montrent en train de découvrir un nouveau jeu, et n'hésitent pas à lâcher deux ou trois blagues à l'occasion. Il y en a qui vont beaucoup plus loin, allant jusqu'à monter de véritables sketchs, comme « le joueur du grenier » par exemple. La monétisation est difficile à atteindre, et passe par la publicité bien sûr. Par exemple, sur Youtube, il faudra au moins 15 000 abonnés à votre chaîne et renouveler le contenu régulièrement pour commencer à gagner un dixième de SMIC. N'oublions pas les « commentateurs », ceux qui se filment en train d'analyser les actions menées par des joueurs talentueux sur des parties en réseau. Tout comme dans les matchs de football, ces duos sont composés d'un ancien joueur rangé des voitures et d'un expert de la tchatche. Quoi qu'il en soit, ces vidéos ne sont autorisées que si l'éditeur du jeu l'accepte. Dans les autres cas, des intermédiaires négocient la diffusion de contenu sous copyright avec l'accord des sociétés qui les fabriquent. Certains sont donc payés pour dire du bien d'un jeu... pas très honnête tout ça ! Avec des millions de vues sur certaines « chaînes », ils auraient tort de se priver. Pour atteindre ces chiffres, les films dépassent rarement cinq minutes et jouent sur l'humour potache. La plupart sont souvent proches du bricolage, même s'il existe des exceptions. Attention si vous regardez ces vidéos pour la première fois, le jargon du milieu est assez obscur et vous demandera une mise à niveau pour tout comprendre ! Il faut dire que le public est composé de pré-adolescents qui cherchent avant tout un amusement immédiat. Il s'agit aussi d'un phénomène générationnel. La motivation qui pousse certaines personnes à jouer en compétition n'est pas beaucoup plus compliquée à comprendre.

 

 
 

Se faire payer pour jouer, c'est surprenant... L'audience toujours plus importante pour le sport électronique a eu pour conséquence l'apparition des joueurs professionnels. Ces salariés d'un nouveau genre sont experts dans les jeux les plus pratiqués du « e-sport ». StarCraft, Counter-Strike, Street Fighter et LoL (League of Legends) font partie de la liste. Certains joueurs se démarquent par leur vitesse, d'autres par leur stratégie ou leur capacité à se concentrer. Pour l'accession au statut « pro », il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. Les revenus des plus doués sont 100 fois plus élevés que ceux des joueurs qui échouent au pied du podium. Tout comme dans les sports traditionnels, une fois passé la barre des 25 ans, les capacités physiques de ces « sportifs » déclinent. L'âge relègue souvent les champions à des places de commentateurs ou les fait tomber dans l'oubli. Certains se recyclent en s'occupant de l'entrainement des plus jeunes. Toujours plus haut, toujours plus fort ! Sauf pour les femmes, semble-t-il, quasi-absentes des rencontres de sport électronique. Le machisme, on l'a vu, est présent dans l'ensemble du secteur des jeux vidéo, et ces tournois n'en sont pas exclus. La compétition est reine, les insultes y sont courantes. Dire que cette communauté n'accueille pas les nouveaux membres à bras ouverts est un euphémisme. Une fois qu'on accepte cette réalité, la retransmission de ces compétitions peut devenir passionnante. Sauf quand les joueurs trichent, ce qui est parfois le casxvii, surtout quand les récompenses dépassent les 10.000 $. Ces champions ont la compétition dans la peau, et n'hésitent pas à tout faire pour remporter la victoire. Pour apprécier la beauté du geste, la précision des actions et la qualité du spectacle, il faut donc être capable de supporter des individus énervants, trop payés et, pour les francophones, qui pratiquent la langue française de manière approximative. Non je ne parle pas des footballeurs !

Jouons peu, mais jouons bien. Oui, on peut regretter la vie d'avant, avec ses jouets en bois, l'orange à Noël, les jeux de société et les soirées diapo...bla bla bla. Mais non, ce n'était pas mieux avant. On vit une époque formidable. L'espérance de vie est presque deux fois plus longue qu'au début du XXème siècle. Du coup, on a du temps libre pour nos loisirs, et le jeu vidéo est en passe de détrôner la sacro-sainte télévision sur ce domaine. Comme toute nouveauté, l'être humain a besoin de temps pour l'apprivoiser. Ceux qui sont nés après 1980 les ont découvert pendant leur jeunesse, et n'ont pas eu besoin de faire des efforts pour les comprendre. Si ces « digital natives » sont à l'aise avec ces nouvelles technologies, ils sont pour la plupart incapables de fabriquer un programme informatique, ou réparer un ordinateur, comme le montre cette étudexviii. A part certains d'entre eux, ils n'ont donc pas les compétences pour créer un produit vidéo-ludique. Pour taper un SMS avec ses pouces ou installer une application, il n'est pas nécessaire d'être un génie. Avec leur connaissance rudimentaire de la technologie numérique il leur serait impossible de créer quoi que ce soit. Par conséquent, ces « natifs numériques » contribuent rarement à fabriquer ce type de divertissement. Or c'est là que se joue l'avenir du secteur: quelques individus travaillent à remettre l'imagination et l'originalité dans ce qui est devenu une industrie. Certains créateurs fabriquent nos rêves de demain avec une petite équipe et des moyens réduits. Des titres indépendants ( Limbo , Botanicula , Lumino City ,...) arrivent même à nous rappeler l'exaltation ressentie lors de nos premiers émois vidéo-ludiques. Un autre jeu nous laisse le soin de fabriquer un univers, c'est Minecraft. Dans un environnement fait de blocs comme dans un jeu de « Lego », le joueur doit collecter de la matière avec sa pioche pour fabriquer des objets. A partir de ce concept tout simple, le succès est devenu viral. Vendu à des Millions d'exemplaires, le jeu a été utilisé par une communauté de passionnés dont certains ont créés des mondes gigantesques. Son succès est lié à la liberté qu'il laisse au joueur: soit il vit des aventures procédurales, soit il décide de fabriquer son histoire. Les adeptes de Minecraft ne sont pas juste des consommateurs, mais également les responsables de leur vie numérique.

 
 

Fabriquez un jeu vidéo en réaction aux attentats de janvier en participant à la « Game Jam » Je suis Charlie

Après ce rapide état des lieux des raisons qui nous incitent à jouer, force est de constater que le bilan est mitigé. A-t-on raison de s'interroger sur la part importante que prend la virtualité dans notre quotidien ? Oui, certainement. Doit-on avoir peur de cette nouvelle source de divertissement ? Certainement pas. La perte de sens de nos vies n'est qu'apparente. Cette sensation de « perte de repères » découle de notre incapacité à nous souvenir objectivement du quotidien d'il y a 30 ou 40 ans. Chaque découverte apporte son lot de nouveaux sujets passionnants comme autant de terrains à défricher. Les anciens dogmes n'arrivent pas à expliquer la réalité que représente le Monde vaste et compliqué d'aujourd'hui. Certains fanatiques sont restés coincés à la première étape du deuil de leur vie d'avant fantasmée: le déni. Le réel danger, celui qui tue des gens, encore aujourd'hui en France, c'est l'ignorance. On ignore son prochain, on ignore ce qui nous déprime, on ignore les solutions qui demandent des efforts. Le résultat, c'est le boulevard qui est laissé à ceux qui n'ont rien compris et profitent de l'espace pour grignoter notre liberté d'expression. Où est la limite ? A partir de quel moment abuse-t-on ? L'abus est dangereux, que ce soit dans la consommation excessive de foie gras, de cocaïne ou de bonbons. Il suffit de changer de poison régulièrement pour éviter qu'il nous tue. On imagine qu'un champion au Scrabble lit des livres, qu'un joueur de basket pratique d'autres sports, et qu'un guitariste a déjà touché à un piano. Il en est de même pour la vie et les passe-temps, et l'ennui n'a jamais tué personne.

« Le remède à l'ennui est la curiosité. Il n'y a pas de remède à la curiosité » Ellen Parr.

ii L'étude du CNC sur la consommation de JV des français :http://www.cnc.fr/web/fr/ressources/-/ressources/5986318

v Les gamers prennent des décisions plus rapidement :http://www.sciencedaily.com/releases/2010/09/100913121656.htm

vii Quand on ne fait qu'un avec son jeu :http://www.gameblog.fr/article-lecteur_1628_la-zone

ix Michaël Stora, Co-auteur d'un livre « L'enfant au risque du virtuel » avec Serge Tisseron et Sylvain Missonnier chez Dunod

x Des japonais ont une petite amie virtuelle :https://www.konbini.com/fr/entertainment-2/jeu-love-plus/

xiii Une scène de torture qui divise les fans de GTA V: http://www.lessentiel.lu/fr/hi_tech/gamezone/story/15275307

xiv L'influence des jeux violents sur la moralité des adolescents :http://dr.library.brocku.ca/bitstream/handle/10464/4115/Brock_%20Bajovic_Mirjana_2012.pdf

xvi Comment dégouter son enfant de jouer alors qu'il pourrait aller bosser :http://www.bbc.com/news/technology-20931304

xviii Que sont capables de faire les « digital natives » ? :https://www.nature.com/news/the-digital-native-is-a-myth-1.22363

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mis à jour le 16/02/2024 à 23h42