23/08/2009 à 21h22
Les Experts à la chaîne ?


Si vos soirées télé se ressemblent beaucoup ces temps-ci, il faut trouver le coupable...Je vous donne un indice: ADN, empreintes digitales, vues du ciel et vêtements hors de prix. Vous avez trouvé, ce sont les "experts" de la police scientifique qui pourrissent vos soirées en vous torturant l'esprit !
minutes », « Colombo » ou « Inspecteur Derrick » le genre a quand même beaucoup changé. Dans le sillage de « X-files », mais sans le côté fantastique, on a vu apparaître à la file des séries policières où les énigmes à résoudre jouent un grand rôle. D'autres séries, comme « 24 heures » ou « Lost » doivent leur succès au suspense qui nous tient d'un épisode à l'autre. En France, cette révolution au niveau de l'intrigue du scénario a profondément modifié le paysage des séries. Des séries relativement installées (Navarro, Julie Lescaut,…) ont été déprogrammées ou remises au goût du jour, et d'autres ont été créées (R.I.S., Les Bleus,…). Mais les programmes hexagonaux n'arrivent pas souvent à la cheville des productions nord-américaines.


Quels sont leurs points communs : un scénario digne du copier-coller. Il suffit parfois de remplir la grille et vous pouvez créer un épisode. Les scénaristes aiment écorner des idées reçues (ou les confirmer) : les jeunes boivent et font la fête, les actrices se droguent, les femmes au foyer sont déprimées, les psychiatres font de mauvais parents, … Les images sont sublimes, avec de nombreuses vues du ciel, et les prises de vue sont très travaillées. Mais bien sûr, il y a d'autres similitudes:



Jerry BRUCKHEIMER, le producteur exécutif.

« FBI, portés disparus », « Cold Case: affaires classées », « Close to Home », « DOS : Division des Opérations Spéciales », « Eleventh Hour ». Toutes ces séries sont produites par le même homme. La nébuleuse ne s'arrête donc pas aux « Experts ». Il faut avouer que ce baby-boomer de 63 ans a réussi sa carrière de producteur de cinéma, d'ailleurs on se souvient de ses succès dans les films d'action. « Top Gun », « les ailes de l'enfer », « 60 secondes chrono », « Pirates des Caraïbes » … sont des productions Bruckheimer. On peut dire qu'il a une « patte » assez reconnaissable : films à gros budgets, action spectaculaire et valeurs américaines sont les maîtres mots chez ce producteur indépendant. En matière de série TV, il a également réussi à imposer son style, à savoir une mise en scène et des lumières cinématographiques, des plans académiques, des flashbacks, des vues d'hélicoptère, etc… Des images superbes, qui justifient l'achat d'un téléviseur haute-définition ! C'est une partie de l'explication du succès de ces séries. Bien sûr, le choix des villes américaines dans lesquelles se passent les épisodes y est aussi pour beaucoup. Jerry B. a choisi des villes où on est susceptible de côtoyer la jet-set. Les meurtres se passent souvent dans des quartiers chics, sur des yachts de luxe et dans des villas hors de prix. Pas certain qu'un jour on voit « Les Experts à Détroit », une ville plutôt ouvrière, par exemple !



  • Les personnages, des caractères faits pour plaire à tout le monde.


Si l'une des caractéristiques de ces séries est d'avoir un producteur commun, il faut aussi dire que le choix des acteurs est fait pour répondre à une demande du public. Il en faut pour tous les goûts. La cible principale semble être la ménagère de moins de 50 ans (même s'il faut que le mari et les enfants y trouvent leur compte). D'abord, il y a toujours un chef qui sait garder la tête froide. Ensuite, vient une femme, la chef en second, quadragénaire, avec un corps parfait. Puis vient l'équipe, elle est toujours constituée de trois individus très différents : un trentenaire ambitieux, une trentenaire ambitieuse, et un métis avec des capacités professionnelles hors du commun. Puis vient le flic de la criminelle, sage et expérimenté, puis les petites mains du laboratoire, les stagiaires, etc…


  • Le scénario est teinté de la réalité, mais il est très « préfabriqué ».

Dans la mesure où les chaînes américaines ont des cases à remplir dans leurs grilles de programme, il faut se conformer à certains formats. Chaque épisode dure 42 minutes et doit se suffire à lui-même. Les personnages évoluent à chaque épisode, mais il n'est pas toujours utile d'avoir vu tous les épisodes pour comprendre de quoi il retourne. Encore une fois, il faut plaire à tout le monde, y compris ceux qui ne suivent pas avec rigueur les diffusions.


Sur fond de preuves scientifiques, le high-tech est omniprésent : On scanne des empreintes digitales trouvées sur les lieux du crime dans un ordinateur, la photo du propriétaire des empreintes s'affiche à l'écran. On entre le numéro de téléphone portable d'un suspect, et hop une photo satellite affiche la zone exacte où il se trouve. On trouve des images prises par une caméra de surveillance pourrie, et l'ordinateur est capable de restituer une photo parfaite du criminel ! L'idée est de simplifier les difficultés que l'on rencontre au travail, les frustrations qu'elles génèrent, pour nous donner un sentiment de satisfaction, bien assit au fond de notre canapé. Ah, si tout était aussi simple dans la vraie vie ! Pas d'ordinateur qui plante, d'empreinte introuvable ou de trace ADN inconnue dans la base de données.


Les taux de résolutions de crime frisent les 100%. Impossible, nous disent les vrais scientifiques. Les effets secondaires du succès de ces séries sont résumés dans l'effet CSI. Ce sont les conséquences dans la vie réelle de la diffusion de techniques destinées à prouver la culpabilité d'un suspect. Les délinquants utilisent maintenant des gants en latex, et effacent leur trace avec minutie ! On constate également un véritable boom des inscriptions dans les écoles de police scientifique, bien réelles. La raison en est sûrement l'idéalisation du rôle des protagonistes: ils découvrent les lieux, trouvent les indices, interrogent les suspects, arrêtent les coupables. De vrais justiciers, et en un temps record ! La réalité est beaucoup moins rose: chaque individu a une part du travail, souvent laborieux, et sort rarement de son laboratoire. Les policiers scientifiques tiennent rarement un flingue, ils sont par ailleurs amenés à travailler sans connaître le résultat de leurs longues heures de recherche, souvent infructueuses. Il faut noter enfin que le temps moyen pour résoudre une affaire est largement sous-estimé par rapport à la réalité.

Les conseillers techniques semblent malgré tout donner des détails qui pimentent l'histoire, pour la rendre plus réaliste. On découvre qu'un canapé en mousse de polyuréthane peut s'enflammer en quelques instants, et que leur vente est devenue interdite. On apprend qu'il suffit de mettre une bombe aérosol dans un micro-onde pour déclencher un feu dans une cuisine. On voit qu'une poudre argentée est utilisée sur les toits des immeubles de Las Vegas pour les isoler du rayonnement du soleil ! Tout cela est véridique, et souvent inspiré par des affaires « réelles ». Au milieu de ce saupoudrage de réalisme, il y a une contrainte de temps : l'intrigue doit être courte, d'où l'utilisation de la grille de scénario.


En bonus, une imitation d'Horatio Caine, par Jim Carrey (hilarant!)[0] 

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