9986 visites
NEWS
En comparant les deux paramètres sur un graphique à deux axes (l'échelle de la qualité est inversée), on peut facilement décider quel produit ou service choisir pour maintenir un niveau suffisant de qualité à moindre coût. L’offre la plus avantageuse est celle dont le point est le plus proche de l'origine des axes.
C’est en cherchant une pâte à tartiner qui comblerait le mieux mes attentes que je me suis rappelé de cette méthode. Quel est le meilleur choix ? Existe-t-il un produit qui combinerait les critères attendus en termes de goût, de texture et de qualités nutritionnelles ? Y a-t-il un moyen pour éviter de dépenser une fortune dans l’achat de cette délicieuse gourmandise ?
Suivez-moi dans cette aventure palpitante, sur un chemin où seules vos papilles peuvent vous guider.
Et d’abord, qu’est-ce qu’une pâte à tartiner ? Y a-t-il une définition qui fait consensus ? On parle généralement d’un aliment à la texture onctueuse, souvent sucré (parfois salé) et/ou contenant de la matière grasse (huile, beurre, …). On peut donc dire que la confiture, la compote, certains fromages et le pâté de campagne entrent dans la catégorie. Oui mais là, je m’insurge. La pâte à tartiner c’est sucré, c’est gras, ça s’étale sur du pain mais surtout, ça se mange à la petite cuillère ! Voici une manière de segmenter le marché qui correspond à ma vision subjective (cœur sur vous):
Au-dessus d’un certain taux de sucre, même s’il en faut, le mélange devient très vite écœurant, et n’est pas bon pour la santé. Au-dessus d’un certain taux de gras, la texture devient désagréable. Elle tapisse la paroi buccale et gêne la déglutition. Il faut donc trouver le juste équilibre. L’éléphant dans la pièce : le Nnnuutellllla !
La pâte à tartiner au chocolat et aux noisettes est sans contestation possible la meilleure représentante de cette catégorie. Un quart de la production mondiale est consommée en France ! La concurrence tente de grapiller des parts de marché, on peut citer "Rigoni di Asiago" qui a été attaquée en justice par Ferrero en raison d'une campagne de publicité comparant leurs produits (Ferrero a perdu son procès). Mais les parents n’ont pas trop le choix, ne serait-ce qu'au niveau du prix. Et les enfants ont choisi leur camp : au petit-déjeuner, au goûter, c’est Nutella et rien d’autre. Et on les comprend, car chaque bouchée est vraiment réconfortante. Pas la moindre amertume, aucune acidité, et un fondant incomparable.
Et si nous comparions les produits disponibles sur le marché pour savoir s’ils ont raison ? Voici les différentes pâtes à tartiner que j’ai testées pour vous (ne me remerciez pas).
Après une longue et fastidieuse recherche, j’ai constitué la liste des lauréats en fonction de certains critères.
Critère N°1 : Taux de sucre/prix au kg
Nom du lauréat : Beurre de cacahuètes creamy (Menguy’s)
Sans surprise, le beurre de cacahuètes est faible en sucre et il est vendu à un prix assez attractif. A quelques encablures on trouve donc d’autres beurres de cacahuètes au sommet de ce comparatif. Par contre, n'essayez pas de le manger à la petite cuillère. J'ai essayé une fois et j'ai failli m'étouffer. Heureusement que j'avais un verre d'eau à portée de main !
Du point de vue nutritionnel, la cacahuète a beaucoup d’effets bénéfiques sur la santé : elle est riche en protéines, en minéraux et en vitamines. Attention cependant à l’allergie aux arachides. Elle est très courante (entre 1,5 et 3% des enfants du monde occidental), vérifiez donc d’abord que vous n’êtes pas concerné si vous voulez éviter un séjour aux urgences. Les réactions peuvent aller de la douleur abdominale à la crise d’asthme sévère.
Critère N°2 : Matières grasses/prix au kg
Nom du lauréat : Pâte à tartiner OUF! Cacao noisette (Funkie)
Le pari est réussi pour cette pâte à tartiner « sans ingrédients bizarres ». Elle reste très basse en matière grasse, et c’est un exploit. La marque introduit en effet des haricots rouges pour la texture. De plus, grâce au sucre de fleur de coco à l’indice glycémique faible, « Ouf » (j’enlève les majuscules et le point d’exclamation) arrive à rester dans la moyenne basse des taux de sucres pour des pâtes à tartiner au chocolat de la même gamme. Seule ombre au tableau, vous devrez garder le pot réfrigéré car les ingrédients ne sont pas naturellement conservateurs à température ambiante.
Critère N°3 : Qualité/prix au kg
Nom du lauréat : Speculoos pâte à tartiner (De Belgen)
Originaire du plat pays, le producteur « De Belgen » introduit des biscuits speculoos dans sa pâte comme un moyen de faire baisser le prix. En effet, dans le contexte actuel d’inflation (sous-production de fèves de cacao suite au dérèglement climatique, spéculation) il convient de trouver des alternatives au chocolat. L’apport en matières grasses est fourni principalement par l’huile de palme, ce qui peut sembler assez cynique quand on sait ce que ce produit entraîne comme conséquences (voir le paragraphe à ce sujet), mais cela permet de serrer les prix au maximum.
Vous retrouverez tous les chiffres dans le fichier joint. Attention, les prix sont fluctuants, il y a souvent des promotions sur ces produits, mais c’est le prix sans réduction qui est utilisé dans les comparatifs. Et pour ce qui concerne les notes, hé bien vous vous en doutez, c'est moi qui ait servi d'arbitre.
Mon palmarès (sans huile de palme)
Alors bien sûr, vous allez me dire, c’est bien beau tout ça. Mais est-ce que le petit dernier va accepter de changer ses habitudes ? Son visage ne va-t-il pas se déformer et exprimer un pathétique dégoût dès la première bouchée enfournée de « c’est quoi ce truc » ? C’est bien possible, et il faudra composer avec la capacité très limitée à changer de vos enfants. Mais rien ne vous empêche d’essayer. Et si l’offre pourtant pléthorique du commerce ne répond pas à vos attentes, il vous reste une solution. On constate que les meilleures recettes tournent toutes autour des proportions suivantes dans leurs composition : 1/3 de sucre, 1/3 de gras, 1/3 d’ « autres choses » (protéines, fibres,…). En partant de ce postulat, voici quelques recettes qui vous permettront de fabriquer vous-même une pâte à votre goût :
Recette de la pâte cacahuètes spéculoos
Voici ma première recette en mode « best-of ». Afin de réunir le meilleur des mondes, pour un prix raisonnable, je vous propose ici de mélanger les ingrédients présents chez les lauréats : beurre de cacahuètes, biscuit spéculoos et chocolat.
Ingrédients :
Beurre de cacahuètes creamy La Vie Claire 250g
Biscuits speculoos « Lotus » 125g
Chocolat noir 25g
Un peu d’eau (pas trop si vous voulez la conserver hors du frigo)
Couper le chocolat en morceaux et casser les biscuits en petits morceaux dans un bol. Ajouter un peu d’eau à ce mélange et le faire chauffer au micro-ondes. Ajouter le beurre de cacahuètes puis mixer finement le contenu. Verser le résultat dans un grand pot à confiture ou une boîte de type Tupperware.
La conservation va de quelques jours à quelques semaines à l’abri de l’air et de la lumière.
Recette de purée d’amandes au miel (Amlou marocain)
Cette pâte à tartiner est connue sous le nom de Nutella marocain, mais elle ne contient pas de cacao. Les berbères préparent ce mélange depuis des temps immémoriaux car il présente de nombreuses vertus. Il se conserve très longtemps, améliore le transit intestinal, joue un rôle dans le bon fonctionnement du système cardio-vasculaire. L’ingrédient qui confère sa texture à cette pâte est l’huile d’argan, plus connue dans la cosmétique que dans l’art culinaire. Arbre emblématique du Maroc, l’arganier est menacé car il ne pousse que dans une zone géographique très précise. Son fruit contient une amande qui sert à produire la fameuse huile.
Ingrédients :
Purée d’amandes 300g
Miel liquide (ex : acacia) 180g
Huile d’argan 50g (il est possible de la remplacer par de l’huile de noisettes)
Mélanger les ingrédients puis mixer-les finement pour bien les mélanger. Laisser reposer quelques minutes avant de consommer
N'oublions que l'important est de se faire plaisir, même si vous devez avoir en tête les deux problèmes majeurs liés à la consommation excessive de ces produits.
Le problème environnemental
La fève de cacao est produite par un arbuste qui nécessite des conditions particulières en termes de chaleur et d’humidité pour pousser. Par conséquent, les zones de production et de consommation sont très éloignées ce qui confère à la culture du chocolat un bilan carbone assez catastrophique. Pour produire un kilo de cacao, on émet en moyenne 23 kilos de CO². On peut citer également le thé et le café qui partagent les mêmes défauts sur ce sujet. Ajoutons à cela les nombreux pesticides utilisés, et les perturbations du climat qui rendent les récoltes de plus en plus aléatoires. C’est la raison pour laquelle des alternatives au chocolat sont recherchées dans les recettes de pâtes à tartiner. On peut citer la noix de caroube, qui demande très peu d’eau et dont la culture ne demande pas de traitement aux pesticides. Il existe également un substitut à base d’avoine et de graines de tournesol.
Les huiles, nécessaires à la texture fondante de la pâte, sont essentielles dans la fabrication de la pâte à tartiner. Cependant, afin de réduire les coûts de fabrication, on a observé la part d’huile de palme augmenter dans notre alimentation notamment dans les produits transformés comme le Nutella. En effet, elle est beaucoup moins chère à produire que la plupart des autres sources de matières grasses. En Indonésie, premier producteur mondial, les conséquences sur l’environnement et la biodiversité sont nombreuses. Les monocultures provoquent des ravages dans l’écosystème et nécessitent l’utilisation de produits phytosanitaires. Les producteurs mettent le feu pour créer de nouvelles parcelles, créant un important dégagement de gaz à effet de serre. Les animaux sauvages perdent leur habitat. Les populations locales voient leurs cultures vivrières s’étioler et la manne financière générée par la culture du palmier leur échappe complètement. Problème majeur pour notre santé, cette huile est riche en acides gras saturés et favorise les dépôts graisseux dans les vaisseaux sanguins.
A consommer avec modération
L’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) préconise d’éviter de dépasser une dose de 100g de sucres par jour. Au-delà ce ces limites, les risques de diabète mais également de cancer sont nombreux.
Pour les lipides, il convient de séparer le « mauvais » gras (acides gras saturés) du « bon » (acides gras essentiels). Pour schématiser, on situe l’huile de palme dans la première catégorie, et les huiles de colza, noix et sésame dans la seconde. D’autre part, il est recommandé de limiter les lipides dans l'apport énergétique à 35-40 % de son alimentation. Les risques à moyen et long terme sont nombreux en cas de non respect de ces règles de bon sens. Du surpoids aux maladies cardio-vasculaires (première cause de décès en France), la surconsommation de pâte à tartiner peut évidemment provoquer des effets délétères. La composition des pâtes à tartiner chocolat et noisette
Bonne dégustation ! [0]
On oublie vite qui on était. Mais on oublie tout aussi vite la personne qu’on avait pensé devenir un jour. Parfois, j’ai l’impression de voir ma vie défiler sous mes yeux, comme si j’en étais le spectateur. C’est pourquoi j’essaye de rattraper le temps qui passe en documentant mes expériences. Et s’il y a bien eu un tournant technologique dont j’ai été le témoin, c’est celui de l’arrivée des ordinateurs personnels, et de son corollaire plus tardif, la mise en place d’une connexion universelle entre lesdits appareils. En un mot, c’est l’internet qui a bouleversé mon existence, ainsi que celle de millions de personnes dans le monde entier. Il serait même impensable aujourd’hui de ne pas être connecté au réseau mondial en permanence. Au point qu’il existe un droit à la connexion, au même titre qu’existe un droit à l’eau potable, à un logement ou à l’électricité. On entend par là que chaque citoyen français doit pouvoir accéder à internet quelle que soit sa situation ou l’endroit où il se trouve. A moins de vouloir entreprendre une « détox digitale », de s’appeler Amélie Nothomb ou d’exercer son droit à la déconnexion (surtout pour les salariés qui ne peuvent plus se mettre à l’abri des sollicitations de leur employeur), on n’imagine plus vivre sans l’internet. Mais alors, comment est-on passé progressivement d’un monde non connecté (en fait beaucoup plus que ce qu’on imagine) à un monde hyperconnecté ? Quels ont été les bénéfices de ces avancées majeures dans la manière de communiquer ? De quoi a-t-on le droit de se méfier à propos de ces outils et des dérives qu’ils entraînent dans notre quotidien ? Et d’un point de vue personnel, qu’est-ce que cette technologie a bien pu changer en moi ? Dit-on le ou la wi-fi ? Ce sont toutes les questions que je me pose depuis plusieurs mois, et auxquelles je vous propose de répondre dans ces quelques lignes.
I. Les portes s’ouvrent (1994-1998)
: la recherche de tout…
:… et n’importe quoi ?
Acteurs incontournables : Yahoo, Netscape, ICQ
Ce que cela a changé en moi : j’étais informé avant tout le monde de certaines informations très spécifiques
Les premiers pas dans un univers inconnu nous marquent forcément un peu. Mais quand je dis univers, j’évoque un monde complètement différent de celui auquel nous sommes habitués aujourd’hui. La page d’accueil du moteur de recherche Google n’existait pas il y a trente ans. Peu ou pas de vidéos, une expérience exclusivement sur ordinateur. Les smartphones ayant été démocratisés il y a à peine quinze ans. Des écrans cathodiques pour afficher l’interface et une expérience pour le moins frustrante. Mais déjà un ensemble de règles étaient fixées : l’accès gratuit (du moment qu’on paye le fournisseur d’accès et la connexion téléphonique), les adresses URL, des pages qui contiennent des liens, des e-mails, des newsgroups, des sites FTP. Et puis aussi des libertés prises avec les droits d’auteur, car tout se partage gratuitement. C’était un peu le Far-West pour geeks qu’on imagine aujourd’hui sans nostalgie. Les rares utilisateurs qui publiaient du contenu faisaient partie d’institutions, d’entreprises et il y avait aussi quelques informaticiens amateurs. Le grand public attendait sans le savoir que l’application des protocoles se simplifie pour pouvoir entrer. Il fallait en effet passer quelques heures dans un manuel pour bien comprendre comment tout cela fonctionnait. Les ordinateurs personnels n’équipaient pas encore la plupart des foyers, et il fallait posséder un modem connecté à la prise téléphonique pour commencer à surfer sur le W.W.W. (world wide web). Or, la prise en question était bien souvent posée dans l’entrée des logements et pas dans les chambres où se trouvait l’ordinateur. Il fallait bien souvent tirer un fil et percer un trou dans un mur avant d’arriver à naviguer sur internet. Attendez, ce n’est pas fini, le modem se connectait uniquement si on avait bien réglé tous les paramètres TCP/IP (manuellement sinon ça ne serait pas drôle). Ce modem parlons-en. Il émettait un signal sonore assez caractéristique au moment de la connexion. Après avoir essuyé quelques échecs pour une raison qu’on ignorait souvent, on finissait par être relié à un réseau d’autres ordinateurs décrit à l’époque comme une « toile mondiale ». La promesse de cet internet préhistorique était : « demande, et tu seras exaucé ». C’était vrai, pour peu qu’on paye au prix fort. Il fallait pour commencer avoir installé un navigateur, pour ma part c’était Netscape.
On récupérait ces logiciels sur des disquettes (ou des CD-ROM) la plupart du temps. Une fois l’application ouverte, on devait saisir l’adresse URL du site que l’on souhaitait visiter, y compris le « http://www. ». On trouvait les adresses dans des magazines ou des livres évoquant les « pages jaunes d’internet », ce qui parait dingue aujourd’hui. Même si les moteurs de recherche existaient, ils étaient assez peu efficaces. Puis, après avoir trouvé enfin un site, on devait s’armer de patience. Je regardais parfois les images se charger ligne par ligne au rythme escargrotesque d’une image par minute. Un peu comme quand on a vu le visage de Mitterrand se dessiner sur les écrans de télévision le soir du 10 mai 1981 lors de l’élection présidentielle, à part qu’il s’agissait surtout de corps dénudés sur le site playboy.com pour ce qui me concerne. Mais au fait à quoi ressemblait le résultat à l’époque ?
Quant au reste des sites accessibles, autant vous épargner l’illusion d’un paradis perdu. C’était moche, et pas tellement interactif. La plupart des écrans restitués nous paraissent aujourd’hui totalement désuets. Des lignes de texte illisibles, des couleurs criardes, des images qui ne se chargeaient pas au moment où on le souhaitait, la mise en page évoluant au fur et à mesure de la réception des éléments. Des plug-ins qui manquaient rendaient le contenu « illisible ». Oui c’était à peu près ce à quoi on pouvait s’attendre quand on cliquait sur un lien. D’où l’hésitation qu’on pouvait avoir avant d’enfoncer son doigt sur le bouton de la souris. On jugeait à partir de quelques lignes du résultat de recherche Yahoo ou Altavista s’il se pourrait bien que nous tombions enfin sur l’information tant convoitée. La quasi-totalité était en anglais bien sûr. Gare aux accents et autres cédilles qui n’étaient pas souvent reconnus. Une chose que l’on regrette de cette ère des débuts d’internet, c’est l’absence de publicité. L’origine universitaire et militaire du réseau donnait peut-être aux créateurs de contenus des remords à ajouter un banal bandeau destiné à promouvoir des chips sur leur page. J’avais de plus en plus de compagnons de route et mon carnet d’adresses e-mails est passé de zéro à cent en quelques années.
Et Google est arrivé bien sûr…
II. L’arrivée du grand public (1999-2006)
: la création de contenu, les sites deviennent beau
: l’accès relativement cher (matériel, connexion,…), les virus, la pub !
Acteurs incontournables : Google, Internet Explorer, Emule, Napster
Ce que cela a changé en moi : je prends goût à partager mes préoccupations, je télécharge beaucoup de films et de musique
Après cette première expérience en tant que consommateur, j’ai pu me mettre à fabriquer des pages. Ma page personnelle a été mise en ligne à ce moment-là sur mon site free.fr.
J’y parlais de mes voyages, de mes obsessions pour la photographie, le japon. J’ai ensuite essayé des techniques comme le javascript. Et comme j’aimais expérimenter, je créais des pages qui s’animaient, tombaient du haut de l’écran de manière réaliste et rebondissaient comme des balles en caoutchouc. Je m’amusais dans mon coin, mais dans le même temps les sites devenaient de plus en plus interactifs, ergonomiques, remplis de contenus. C’était vraiment beaucoup plus professionnel qu’aux débuts. Les messageries et forums permettaient d’échanger des messages avec des personnes qui partageaient la même passion que nous. On entrevoyait aussi la possibilité qu’un jour ces écrans remplaceraient le papier sous toutes ses formes (journaux, lettres, affiches,…). C’était le crépuscule d’un ancien monde auquel on assistait. Pour bénéficier de ces nouveautés il fallait bien sûr être connecté et savoir où chercher. J’étais à la recherche de l’âme sœur, et c’est sur le site « Netclub » que j’ai fait mes premiers pas sur un site de rencontres amoureuses. Pour moi qui n’aurais jamais osé adresser la parole à une femme autrement, c’était un moyen de dépasser ma timidité. Je pouvais nouer des liens avec d’autres personnes que celles qui croisaient mon chemin sur mon lieu de travail.
Les photos de profil étaient tellement minuscules à l’époque qu’il était pratiquement impossible de savoir à quoi allait ressembler la personne à qui on avait donné rendez-vous. Même si je n’ai pas rencontré l’amour avec Netclub, les échanges que j’ai pu avoir à ce moment-là ont eu une grande influence sur ma maturité sentimentale. Au-delà des messageries et des divertissements, ce sont les entreprises des médias, et les grands groupes industriels ou bancaires qui ont commencé à investir dans le web. Mais cette révolution ne touchait encore ni les pays en voie de développement, ni les enfants, ni les personnes âgées (qui gloussaient en entendant le mot « ordinateur »). D’un seul coup, aussi rapidement qu’il est possible de prononcer les quatre lettres « ADSL », les personnes autrefois réticentes se sont équipées d’un PC portable, en tout cas celles qui pouvaient se les offrir. Le site Médiamétrie donne une idée de la progression observée à cette époque.
La nouvelle méthode de connexion, permettant une vitesse de téléchargement plus rapide et son aspect illimité popularisé par Free rendait tout cela attractif. Pour les plus chanceux, l’accès à des chaînes de télévision en branchant une box à son téléviseur est devenu possible. Et ce n’est pas tout, on pouvait désormais passer des coups de fils (la plupart des téléphones fixes avaient des fils) sans penser au coût que cela pourrait engendrer. Ces numéros de téléphone fournis avec l’abonnement et qui commencent par « 09 » permettaient désormais d’appeler de manière illimitée un autre poste fixe (pas les téléphones portables).
C’était évidemment révolutionnaire. Presque de manière parallèle, les sites de vente en ligne se sont développés, même si le commerce en ligne n’en était qu’à ses balbutiements. Il s’agissait surtout d’attirer le client en boutique IRL (in real life). On était encore assez réticent à donner son numéro de carte bleue ! La pub arrivait partout, et Google prenait la place de leader de cet univers. Cette manne financière a entraîné la création de sites qui ont pris la place d’une concurrence vieillissante, notamment dans les médias. C’était aussi le début du piratage de masse du contenu musical et cinématographique. En France, l’arrivée de Free a ouvert la voie vers l’abonnement illimité, ce qui n’était pas forcément la norme dans le reste du monde. Le wifi s’est généralisé dans les foyers, rendant possible le « surf » sur internet depuis son canapé. Cette foule de nouveaux utilisateurs a attiré des parasites prêts à fondre sur ces béotiens. Les arnaques se sont développées à grande échelle, ainsi que les virus. Ceux-ci touchaient principalement les PC, les ordinateurs Apple étaient plutôt épargnés car ils ne représentaient qu’un faible pourcentage du marché. De mon côté, j’étais un utilisateur assidu d’eBay, afin d’acheter et revendre aux enchères des objets afin d’économiser quelques sous.
Et je téléchargeais beaucoup de musique et de films hollywoodiens sur le logiciel "emule".
Les utilisateurs étaient de plus en plus nombreux, et exigeants. Mais tout n’était pas aussi fluide et ergonomique que cela. Et il restait quand même une marche à grimper, celle du partage de contenu.
III. L’âge de raison (2007-2011)
: la vidéo arrive enfin, les Smartphones, la simplification administrative
: les trolls, les réseaux sociaux contrôlent nos vies
Acteurs incontournables : Firefox, Facebook, Twitter, Youtube, Wikipedia
Ce que cela a changé en moi : je développe une vision biaisée du monde
Comment envoyer les photos du petit dernier à toute la famille alors qu’il fallait un quart d’heure pour charger les fichiers? En effet, l’envoi de données était très lent même si dans le meilleur cas le téléchargement allait assez vite (parfois aux alentours de 512 Kb/s). Facile ! Il suffit d’augmenter progressivement la capacité d’envoi de données, ce qui sera le cas au cours des années 2000. Mais surtout, puisque les êtres humains s’intéressent surtout à eux-mêmes, en tout cas la plupart d’entre eux, où se trouvait donc l’individu dans cette soupe technologique de plus en plus lucrative ?
Facebook a répondu à cette question de la façon la plus logique, en mettant en place une plate-forme de partage, au départ assez rudimentaire, mais qui avait l’intérêt de laisser une libre place à l’égo. Ce petit frisson ressenti par chaque membre qui recevait un « like » a lancé les réseaux sociaux sur les chapeaux de roues. Et cet espace ne contenait plus simplement le récit passionnant des vacances de ses cousins, mais également des photos et des vidéos de celles-ci. De quoi alimenter la compassion, les liens familiaux…hmm et aussi les jalousies et les convoitises. Micro-blogging, échanges de conseils ou confessions étaient au menu. Et Facebook n’était plus seul sur le marché. Ces réseaux se sont développés comme des champignons sur du pain de mie. Avec la vidéo, ce qui n’était au départ que quelques secondes d’images animées allait devenir une lucarne sur la vie de millions de gens.
Youtube nous offrait tout à coup le quart d’heure de célébrité dont parlait Warhol. Les plus doués se sont engouffrés dans la brèche pour influencer une audience de plus en plus atomisée. Car le point de vue et les opinions diverses se sont exprimées pour le plus grand bonheur des personnes qui ne se sentaient jamais représentées.
J’ai commencé à raconter ma vie sur un blog en juin 2011, surtout des images de mon quotidien et mes réflexions sur le monde qui m’entourait. L’inconvénient de ce mode d’expression est bien sûr la concurrence entre les sources d’information et l’anonymat* relatif des personnes qui s’expriment. Les journalistes ont quant à eux le rôle d’informer le public, d’enquêter, de vérifier l’information avant de la publier. Ils suivent donc des règles que le citoyen lambda n’a pas besoin de respecter. L’ouverture d’un nouveau mode d’expression, de diffusion de contenu visible par tout le monde, permet à tout un chacun d’affirmer ce qui n’est prouvé par rien. Cette tendance se vérifie sur l’encyclopédie participative Wikipédia, mais elle est contrebalancée par la veille régulière d’une communauté de contributeurs et leur souci d’exactitude qui permet des corrections rapides et précises la plupart du temps. Ce n’est pas le cas dans la plupart des sites qui permettent un mode d’expression plus libre ne nécessitant pas de justification des propos tenus. Et justement, puisque la preuve n’existe pas toujours, on peut y dire ce qu’on veut. Et pour couronner le tout, si je ne trouve pas la preuve de ce que j’affirme, c’est que la vérité est cachée. CQFD. Certaines personnes ont pu également fabriquer des preuves de ce qu’ils avancent afin de combler un vide. Il n’y avait rien de mieux à faire puisqu’il était impossible de les trouver ! Il suffit donc de quelques minutes pour trouver des sites internet qui évoquent une thèse controversée (les chats sont des espions extraterrestres, la Lune est creuse, les ondes 5G provoquent le cancer,…). Je peux donc étayer des soupçons concernant une vérité alternative grâce à des informations trouvées sur internet, alors que les médias traditionnels ne semblent pas s’intéresser à mes obsessions. Et l’argument imparable en faveur de sa totale impartialité est que chaque auteur d’article a le statut d’amateur. Il est totalement bénévole, et il semble fournir des efforts considérables pour obtenir ces résultats. A l’inverse, le journaliste est payé par une entreprise qui peut voir d’un mauvais œil le fait de dire une vérité qui dérange.
C’est dans cet état d’esprit que j’ai commencé à nourrir des griefs contre Nicolas Sarkozy. J’imaginais des barbouzes, chargées de faire taire la vérité. Je voyais de la corruption, du chantage, et une manipulation des foules, ce dont le journal télévisé se gardait bien de nous informer. Comment ce chef d’état arrivait-il à garder secret des crimes aussi abominables² ? D’ailleurs je n’étais pas le seul à y croire, car il se trouvait presque toujours un individu qui s’exprimait sur un obscur blog pour dire la même chose que moi. J’ai fini par me libérer de cette paranoïa en me posant les bonnes questions, afin de trouver les raisons pour lesquelles j’étais à ce point à la recherche d’un bouc-émissaire. En effet, j’étais mal dans ma peau, à cause d’une situation familiale compliquée et à des soucis à mon travail.
* : L’anonymat a existé dès l’invention des premiers moyens de communication. On ne souhaite, ou on ne peut pas toujours s’exprimer en son nom, surtout quand on prend des risques à le faire. En temps de guerre, on crypte ses messages pour éviter qu’ils soient lus s’ils sont interceptés par ses ennemis. Mais quelle est la valeur d’un message si vous ne savez pas qui l’a écrit ? Quand on porte un masque, on se protège des attaques ad hominem, des risques pour ses proches et ses amis. Mais on prend également le risque de tomber dans le piège de l’inconséquence. Si rien de ce qu’on dit ne peut nous porter préjudice, alors on finit par croire qu’on peut dire tout et n’importe quoi en signant d’un pseudo. Les propos diffamants, les pensées les plus stupides, les rumeurs les moins fondées ont commencé à circuler. Les conséquences dans la vraie vie ont été démultipliées. Même si elles existaient déjà, les dénonciations calomnieuses, le harcèlement, les violences verbales et l’escalade des échanges conflictuels ont pris une autre dimension. Ces phénomènes ont des issues dramatiques parfois : blessures, meurtres, suicides. C’est le prix de la liberté d’expression même s’il est parfois lourd à porter. Pour illustrer cette tendance, selon un rapport de l’institut Montaigne en 2020, 56% des français de 11 à 20 ans déclarent avoir été victimes de cyber violence au moins une fois au cours de leur vie. Et les victimes sont bien souvent des femmes et ces violences s’expriment particulièrement au sein des couples.
² : Il est devenu quasiment impossible de ne pas savoir ce qu’il se passe, partout, tout le temps, notamment grâce aux mouchards électroniques que sont devenus les téléphones. Dans ce contexte, sait-on encore laisser la place aux secrets ? On vit dans une ère de communication tous azimuts qui donne le sentiment d’être autorisé à donner son avis en permanence. La stricte intimité n’existe plus vraiment puisque l’absence d’information est synonyme de page blanche sur laquelle tout un chacun peut poser sa marque. Le temps des sympathiques paparazzis qui tournaient autour d’une star de cinéma est bien loin. Aujourd’hui, une cohorte de voyeurs assoiffés de rumeurs peut se jeter de manière synchronisée sur la victime d’un « bad buzz ». Peut-on supporter encore de ne pas tout savoir sans soupçonner un complot ? La vie privée existe encore mais elle s’effiloche à mesure que la notoriété augmente. Un professeur d’histoire-géographie, la responsable d’un call-center, une médecin-généraliste, tout un chacun peut se voir visé par les ennemis du secret. Et si vous n’avez pas les compétences pour réagir avec décence et mesure, s’ajoute à l’attaque une condamnation unanime de la façon d’y répondre avec vulgarité, violence et/ou légèreté.
IV. L’adolescence (2012-2019)
: la maturité d’un nouveau média
: une obligation d’être sur internet pour exister
Acteurs incontournables : Instagram, Bitcoin, Tik Tok, Netflix
Ce que cela a changé en moi : je crée un site de pari sportif, je finis par accepter d’être médiocre
Le financement par la publicité, qui avait fait naître tellement de plateformes et de sites web florissants, ne faisait plus autant recette. Des bloqueurs de pubs permettaient aux utilisateurs d’échapper facilement à la vision de ces bandeaux envahissants. Et le grand-public n’était plus attiré par ce type l’expérience du « surf », assis sur une chaise de bureau et devant un ordinateur de couleur beige.
Il était devenu beaucoup plus simple de se promener sur la toile avec comme seule interface un écran tactile. Avec l’arrivée du smartphone, et des tablettes peu après, il n’était plus nécessaire de mettre en route une machine volumineuse pour accéder aux informations dont on avait un besoin immédiat. Les réponses obtenues avec Google étaient tellement pertinente qu’il ne servait plus à rien de se souvenir de détails insignifiant. Une recherche et je retrouve quelques secondes plus tard ce que j’avais oublié (la recette du gratin dauphinois par exemple). A force de moins se servir de sa mémoire, on finit par la perdre un peu. Et pour ce qui concerne mes souvenirs ? L’accumulation de photos, vidéos, messages, rendez-vous, etc… a entraîné la création d’une masse de données personnelles. On peut estimer la multiplication par mille de l’espace nécessaire pour tout stocker en l'espace de dix ans. Tout est mémorisé et stocké pour éventuellement servir plus tard. On peut retrouver en un clic une information (date, nom, lieu, personnes présentes,…). Et ces données ne sont pas présentes que sur un disque dur, mais désormais elles sont aussi dans le « cloud ». Et l’arrivée de la connexion par fibre optique a bien sûr amélioré grandement la rapidité des échanges de données, afin de supporter le poids des photos de plus en plus précises et des vidéos en haute définition. Plus aucun détail n’échappe aux objectifs. Et internet n’oublie rien, mais il serait parfois utile d’oublier, surtout nos pires humiliations, les drames et les évènements douloureux qui jalonnent nos vies.
J’étais sceptique quant à la capacité de ces technologies à être autre chose que des outils permettant d’amplifier une tendance qui existait déjà, ou de dévoiler un talent qui se serait exprimé même sans elle. Mais de nombreuses personnes se sont ralliées à la « pensée computationnelle » à cette époque. Cette croyance en une logique mathématique qui permettrait de résumer la complexité d’un monde non binaire s’est ancrée dans nos pensées. L’ordinateur pourrait remplacer l’être humain dans la plupart des domaines de la connaissance et de la pensée ?
Un peu à contretemps, je me suis intéressé à la création de sites d’e-commerce. Je m’initiais à la programmation, et au professionnalisme dans la création de contenu, sans l’atteindre.
J’ai ouvert un site de paris sportifs gratuit en 2010, mais je n’y ai rien gagné sinon une distraction dans ma vie un peu ennuyeuse.
La tendance des mensonges à se multiplier sur certains sites, présente depuis plusieurs années car inscrite dans les gênes de ce nouveau média a eu tendance à s’industrialiser. Une armée de trolls* s’est consciencieusement appliquée à développer des thèses toutes plus délirantes les unes que les autres. Parfois, ce travail a été financé par des états peu scrupuleux afin de servir leurs intérêts. La loi dite de Brandolini² s’est donc trouvé vérifié plusieurs milliers de fois par heure. A quoi servent ces articles qu’on peut qualifier rapidement de « complotistes » ? D’abord à obtenir de l’attention, ensuite à avoir de l’influence, à créer le doute dans l’esprit du lecteur, à discréditer un ennemi. La série « Mr Robot » fournit une vision assez cauchemardesque de ce dont est capable une armée de hackers dirigés vers un objectif commun. L’application systématique de recettes éprouvées peut servir une propagande, la spéculation (en hausse depuis l’arrivée de cryptomonnaies), des intérêts militaires ou économiques. Un évènement sanitaire mondial est venu mettre un peu de désordre supplémentaire dans cette équation déjà complexe.
* : les trolls sont des internautes qui ont un comportement dénigrant, agressif, insultant ou les trois à la fois.
² : Brandolini énonce que "La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer". Vérifier des thèses absurdes peut donc demander tellement de temps et de travail qu’il vaut mieux parfois ne pas répondre à un argument complètement farfelu sous peine d’être enseveli sous ceux-ci.
V. La maturité (2020-2024)
: le télétravail, les données qui nous simplifient la vie, l’immersion (RV, RA)
: l’addiction aux notifications, la perte de concentration, le coût énergétique
Acteurs incontournables : TousAntiCovid, OpenAI
Ce que cela a changé en moi : je mélange de plus en plus mon travail et mes loisirs
Les conditions sanitaires liées à la crise Covid ont favorisé une utilisation professionnelle des réseaux.
Je travaille de chez moi, comme beaucoup de gens, et je finis par confondre le temps de travail et celui où je me consacre à des projets personnels.
Grâce à la technologie sensée être de mieux en mieux maîtrisée par un nombre de plus en plus important de professionnels du numérique (développeurs, graphistes, community manager,…) l’internet était entre de bonnes mains. L’utilisation des réseaux informatiques pouvaient maintenant servir à éviter le déplacement inutile de la plupart des employés, couteux en CO2. Le stockage de papiers devenait inutile, tout étant numérisé, on allait éviter une déforestation catastrophique ! Las, il faut bien se rendre à l’évidence, le fonctionnement des serveurs, routeurs, antennes et terminaux en tout genre engloutit une énergie folle. Environ 10% de l’électricité produite chaque année dans le monde sert à les alimenter. La surconsommation énergétique absurde que le stockage de contenu obsolète disponible 24h/24, la blockchain, et l’augmentation exponentielle de la publication de données redondantes ne semblait pas trouver de limite.
La simplification administrative est une des promesses de l’internet moderne. L’expérience du Minitel en France n’avait pourtant pas tellement changé les habitudes. Cet appareil servait surtout à chercher une adresse sur les pages jaunes. Il n’avait pas rendu obsolète les échanges de courriers, formulaires à remplir, ni à la Poste, ni à la Mairie, ni aux impôts, ni à sa caisse d’assurance maladie. Il faut bien le reconnaitre, dans les multiples instances bureaucratiques, l’internet a tout changé. J’en veux pour preuve la télédéclaration mise en place au début des années 2000. Cet évènement, sans doute plus qu’aucun autre, a permis de se rendre compte à quel point le vent avait tourné. On pouvait déclarer ses revenus aux impôts sur un ordinateur relié à internet. Ce n’était pas plus simple que d’écrire ses revenus sur un papier imprimé avec des cases aux noms barbares, mais ça changeait tout. D’abord parce qu’on obtenait immédiatement le résultat de la ponction qu’effectuerait l’Etat. Ensuite car il n’était plus nécessaire de sortir ou de coller un timbre sur une enveloppe. On pouvait, sans se salir les mains, signaler à l’administration un mariage, un changement d’adresse, une augmentation de ses revenus. Dans les faits, il fallait comprendre comment installer un certificat de sécurité, noter tous les identifiants et choisir un mot de passe compliqué. On a déjà vu plus simple ! Restait à conserver l’intervention humaine, pour accompagner les moins habiles et pour aider à résoudre les problèmes liés à des situations particulières.
L’arrivée du système d’authentification unique « FranceConnect » a bien eu l’effet escompté, et à partir de 2018 il facilitera beaucoup les démarches administratives. Mais il faut bien avouer que malgré les promesses, la bureaucratie kafkaïenne française n’a toujours pas réussi à redorer son image. Les files d’attente devant les agences « France Services » nous prouvent qu’il y a encore du chemin à parcourir, s’il était besoin de le faire.
A la croisée des chemins de ces travers inhérents à l’internet moderne est née l’illusion qu’une intelligence artificielle pourrait remplacer l’intelligence humaine. Dans les faits, cette technologie a d’abord pris la forme d’algorithmes censés nous inciter à consommer un maximum de publicités en nous agitant sous le nez des récompenses virtuelles.
Et puis les assistants vocaux, constamment à l’écoute, ont pris place dans les salons de nombreux foyers. L’efficacité du contrôle et de la synthèse vocale a doucement progressé sans vraiment dépasser le stade de l’anecdote. « Dis Siri, rappelle-moi de sortir les poubelles demain matin », « Ok Google, quel temps fera-t-il demain ? ». On est loin d’une conversation tenue par les machines présentées fans les films « Blade Runner » ou « Her ». Dans le domaine de la génération de contenu assistée par l’IA, on a vu aussi des automates qui pouvaient copier le style pictural d’un Van Gogh ou d’un Rembrandt. A partir d’une photo, la machine vous refait le portrait. Elle peut même remplacer votre visage par celui d’une autre personne. Progressivement, l’idée qu’un automate puisse reconnaitre tout ce qui l’entoure sur une route et décider de l’action à mener en conséquence a jailli. Cette possibilité mettrait les conducteurs de taxi définitivement au chômage. Mais il reste encore de nombreux écueils à franchir avant d’en arriver là. La question est donc surtout de savoir quand ces systèmes seront mûrs pour être déployés en grand nombre. Imiter l’être humain dans ses tâches les plus répétitives et mémoriser des règles complexes semble être à la portée des machines. Désormais, elles peuvent aussi s’entraîner à s’améliorer pour trouver des solutions que l’être humain n’aurait pas forcément imaginées. Mais la machine n’est-elle pas intrinsèquement limitée par les compétences de ses concepteurs ?
Le découvertes récentes popularisées par la société OpenAI via son automate de génération « ChatGPT » posent questions sur cette dernière affirmation. On peut tout simplement se demander à quel moment chacun d’entre nous se verra remplacé par une intelligence artificielle. Le travail ne va-t-il pas devenir une occupation de privilégiés ?
VI. Le futur (2025- ?)
: l’IA
: l’IA
Ce que cela va changer en moi : aurais-je encore un travail ?
Acteurs incontournables : ?
Demandons à ChatGPT ce que sera l’utilisation d’internet dans le futur :
L'utilisation d'Internet dans le futur continuera probablement à évoluer et à se diversifier, mais voici quelques tendances possibles :
1. Internet des objets (IdO) : De plus en plus d'appareils seront connectés à Internet, permettant une automatisation et une gestion à distance des appareils domestiques, des équipements industriels, des véhicules, etc.
2. Réalité augmentée et réalité virtuelle : Ces technologies devraient se développer, offrant des expériences en ligne plus immersives dans des domaines tels que les jeux, l'apprentissage, le shopping, la collaboration professionnelle, etc.
3. Intelligence artificielle et apprentissage automatique : L'intégration de l'IA dans les services en ligne deviendra plus répandue, permettant des recommandations plus précises, une personnalisation accrue des expériences utilisateur et des interactions plus naturelles avec les systèmes en ligne.
4. Santé en ligne : Les services de santé en ligne continueront de croître, offrant des consultations virtuelles, des applications de suivi de la santé, des analyses de données pour la recherche médicale, etc.
5. Commerce électronique : Le commerce en ligne continuera de croître, avec une expansion des achats en ligne de produits physiques, mais aussi une augmentation des services en ligne, tels que les abonnements à des contenus numériques, les cours en ligne, etc.
6. Blockchain et cryptomonnaies : Ces technologies continueront de transformer les transactions en ligne, offrant une sécurité accrue, des paiements transfrontaliers plus rapides et une plus grande décentralisation des services financiers.
7. Sécurité en ligne : Avec la croissance des cybermenaces, la sécurité en ligne deviendra de plus en plus importante, avec des développements dans les technologies de détection et de prévention des intrusions, ainsi que dans les pratiques de protection des données personnelles.
Cependant, il est important de noter que ces prédictions sont basées sur les tendances actuelles et que l'évolution de l'utilisation d'Internet dépendra également de nombreux autres facteurs, tels que les avancées technologiques, les réglementations gouvernementales, les préoccupations en matière de confidentialité et de sécurité, ainsi que les comportements et préférences des utilisateurs.[0]
Quand on porte un nom composé comme le mien (Thomas-Penette), on devient attentif à ce petit signe qui relie les deux noms. Oserais-je dire que ce tiret me rend plus-que-parfait ? Je le dois à l’ajout du patronyme d’un arrière-grand-père lorsqu’il a adopté mon grand-père paternel.
Un trait d’union, ce n’est pas grand-chose mais ça apporte un je-ne-sais-quoi. Il tombe un peu en désuétude, mais il serait dommage qu’il soit relégué à l’arrière-boutique du vocabulaire. Rendons à ce super-héros ses lettres de noblesse avec ce portrait en clair-obscur.
Par exemple, un rond-point n’est pas un point rond • et un cerf-volant est plus léger qu’un cerf qui vole.
Un mot-clé n’est pas une clé ni un mot de passe. Quand on ajoute un tiret, on crée une unité, on ajoute du sens, contrairement au signe mathématique « - » qui soustrait.
Les mots « moins » moins « rien » valent-ils « moins-que-rien » comme le disait Raymond Devos ?
Mais le résultat de l’addition n’est pas toujours égal à la somme des mots. Un homme-objet n’est pas un objet. Un mot-valise (par exemple alicament, la contraction des mots aliment et médicament) est un mot et pas une valise.
Passons du coq-à-l’âne. Vous plairait-Il d’évoquer l’utilité du trait d’union ? Un taille-haies désigne un objet permettant de couper des haies. A ne pas confondre avec un thaï haï. Le mot thaï désigne une personne originaire d’un pays d'Extrême-Orient, la Thaïlande.
C’est une zone géographique où les habitants va-nu-pieds sont paraît-il de petite taille. Mais un des thaïs peut-il être grand ? Les thaïlandais peuvent mesurer plusieurs tailles, mais se pourrait-Il qu’ils soient nés dans les Landes ? Faut-il préciser que les landais nés au nord du département sont nommés les haut-landais (un département où soi-disant le nombre de pins est à-peu-près égal au nombre d’habitants).
Mais les néerlandais ne sont pas haut-landais. Ils viennent d’un plat pays, les Pays-Bas, qui n’est pas un plat mais un territoire. Les hollandais n’ont pas tous les pieds plats, l’ont-ils dans le même sabot ? Ils ont des moulins-à-vent, vivent au pied des digues et risquent le raz-de-marée.
En somme, c’est un colosse aux pieds d’argile mais qui vit au rez-de-chaussée et cultive des pommes-de-terre. L’argile leur sert à construire des propriétés de plain-pied, avec des briques rouges. Ces maisons-là coutent plusieurs briques, mieux vaut ne pas être sans-le-sou pour les acheter. Certains deviennent même narco-trafiquants pour se payer leur pied-à-terre.
Pour résumer, c’est fou le nombre d’informations qui nécessitent un agent de liaison pour être bien comprises. Heureusement que le trait d’union existe, sinon il faudrait l’inventer sur-le-champ ! [0]
On m’a souvent dit que j’étais naïf. Parfois c’était une réaction à ma façon d'afficher l'espoir d'une amélioration chez celles et ceux qui dépassaient les bornes ou ne pensaient qu’à eux-mêmes. Parfois, les mêmes personnes qui profitaient de ma tolérance ou de ma compréhension m’accusaient de naïveté. Mais je n’arrivais pas à comprendre vraiment ce qu’ils entendaient par là, et je passais à autre chose. Était-ce par manque de courage, ou par un empêchement plus profond que je ne m’opposais pas à la volonté des personnes qui me passaient devant. Qu’est-ce donc que la naïveté ?
Ce sujet ne m’a pas travaillé outre mesure avant que je lise la fable de La Fontaine « Le Savetier et le Financier ». Le savetier (un cordonnier) est heureux et chante (faux) et par conséquent son voisin qui travaille dans la finance ne trouve pas le sommeil. Il l’accuse de naïveté, puis le contamine avec ses soucis en lui offrant de l’argent. Le savetier finit par rendre l’argent qui lui avait fait perdre son insouciance. Mais le cordonnier de la fable était-il si naïf ?
Gotlib « Rubrique-à-brac »
Combien d’adjectifs ont perdu leur sens originel pour devenir péjoratifs ? Si on vous dit que vous êtes fort, c’est pour vous conseiller de faire un régime. Si votre véhicule est lent, il faut le décaler sur la voie de droite. Si vous êtes vieux, c’est que la mort n’est pas si loin... Si vous êtes gentil, c’est que vous êtes vraiment très con ! Et si on vous disait que vous êtes naïf ?
La naïveté est devenue le défaut de celui ou celle qui ne s’est pas renseigné suffisamment avant de forger son opinion. C’est l’argument qui invalide tout ce que vous pouvez affirmer.
Naïf. Ce mot a un sens particulier à mes yeux. Il désigne la candeur, ce point de vue sur le monde, vierge de toute malice, cette manière naturelle de s’exprimer, sans artifices. Le naïf est littéralement celui qui vient de naître. C’est ce qui vient d’un caractère inné (du latin nativus).
Sans a priori, la personne naïve va porter secours à ceux qui souffrent et s’étonner de la barbarie des êtres humains. Quoi de plus normal que de chercher à protéger son prochain des catastrophes naturelles et de l’injustice ?
Si l’expérience vous manque, mais que vous êtes préparés à la nouveauté, votre caractère peut rapidement compenser votre manque de qualification lorsque vous serez mis à l’épreuve. Le talent, certains dirons le génie, touche les personnes jeunes aussi bien que celles qui sont plus âgées. Corneille ne fait-il pas dire à Rodrigue dans Le Cid : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années » ? La vertu du naïf est aussi de ne pas connaître les usages et certaines barrières que les habitudes peuvent former. En agissant par instinct, ou en ne sachant pas qu’il ne suit pas les règles, il trouve des solutions que personne d’autre n’aurait imaginées.
« Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait. » Mark Twain
Par définition, la naïveté est naturelle. On ne peut pas choisir de se montrer naïf, ce serait une hypocrisie. Et pourtant on parle d’ « Art naïf » pour désigner cette forme d’expression dans laquelle la simplicité est un choix. Si les peintres naïfs, et notamment les plus connus comme le Douanier Rousseau, choisissent d’ignorer la perspective ou la précision des couleurs et de conserver un aspect figuratif, c’est avant tout pour transmettre une émotion. Ces artistes ont comme point commun d’évoquer un paradis perdu d’où seraient absents la mort et la souffrance. Ils ne représentent pas la réalité, mais leurs rêves d’un éternel idéal dont on sortirait confiant et heureux. On imagine bien qu’un artiste naïf ne l’est pas tant que cela puisqu’il arrive à soulager nos douleurs les plus profondes. La naïveté nous ravit dès lors qu’elle fait transparaître une vérité que le cynisme nous avait fait oublier.
Le Palais Idéal du facteur Cheval
La nostalgie de l’état de grâce associé à la jeunesse et l’insouciance nous donne parfois la tentation d’y retourner d’un coup de baguette magique. Tout nous semblait plus facile quand on ne savait rien et qu’on croyait que tout était possible. Nous pourrions même être tenté de dire que c’était mieux avant (non). Et si la candeur provoque chez nous de la compassion, si parfois elle nous séduit, elle peut aussi être une source d’indifférence, d’agacement voire de moqueries.
Si l’on pouvait se « réinitialiser », comme peuvent le faire les machines, serait-on vraiment plus heureux ? Le sort de celui qui part de zéro ne semble pas si enviable. L’excès de confiance peut nous rendre victimes de la fourberie, ou nous faire tomber dans des pièges évidents. Car la maladresse du débutant peut provoquer des accidents ou être fatale. Chaque année, les Darwin Awards listent les personnes mortes dans les circonstances les plus stupides, souvent victimes de leur innocence coupable, même si parmi elles beaucoup n’étaient pas si jeune. Si les occasions de subir les conséquences de sa naïveté sont nombreuses, celles de la faire subir aux autres le sont tout autant. Combien d’offenses puériles peut-on commettre par des remarques inappropriées quand on ignore tout de la complexité du monde ? Et s’il y a bien un domaine où l’inexpérience peut provoquer des séquelles, c’est celui des relations sentimentales. Quand une aventure amoureuse s’est terminée douloureusement, on espère ne plus la revivre, ou alors pas de la même façon. Les plus sages sont ceux qui ont évolué grâce à ces expériences malheureuses.
There's nothing much to take
I'm an absolute beginner
And I'm absolutely sane
As long as we're together »
Absolute Beginners – David Bowie
La naïveté est naturelle, mais nous ne nous préparons pas toujours à l’observer chez certaines personnes. Elle est familière lorsqu’on observe les maladresses d’un jeune enfant et devient tout à coup étrange et inquiétante quand elle se manifeste chez des individus qui souffrent d’une maladie mentale ou qui manquent d’éducation.
Et que dire d’une intelligence artificielle qui se trompe ou plutôt n’arrive pas à nous tromper quand il s’agit de réaliser une tâche accessible à un enfant de 6 ans ? Comme quand elle est sensée reconnaitre un visage ou un animal ?
Qu’est-ce qu’un complot ? La paranoïa nous fait parfois croire qu’un nombre considérable de gens sont capables de garder un secret sans qu’un seul membre du complot ne fasse fuiter la vérité. Cette situation nous semble a priori impossible au-delà d’un certain nombre de participants au complot. A vue de nez, entre 12 et 14. Mais notre esprit veut parfois absolument prouver ce qui n’est pas confirmé par des faits. C’est ce qu’on appelle l’auto-persuasion. Ce biais cognitif nous ancre durablement dans l’idée que la raison et la légitimité est de notre côté. L’absence de preuve devient un élément constituant un argument. Puisqu’il est impossible d’établir les faits qui provoquent un phénomène, c’est que quelqu’un essaye de les cacher. On se retrouve alors à se vanter d’être le contraire d’un naïf, alors qu’on tombe dans notre propre piège. Qu’est-ce qu’un complotiste, si ce n’est un nouveau naïf ? Encore faut-il reconnaitre que nous sommes tous enclin à tomber, à notre niveau et en fonction des circonstances, dans ce travers de l’esprit humain.
C’est ici qu’il faut distinguer deux notions, la candeur et l’absence de certitude. Ce qui est certain est sans doute faux. Le novice va oser dépasser les limites que d’autres s’étaient fixé. Mais une personne expérimentée, libérée de ses certitudes, aurait tout aussi bien réussi à le faire. Tout du moins, elle y parviendra après avoir fait l’effort de renouveler son opinion, en toute humilité.
A chaque expérience, douloureuse ou non, on peut être amené à se parer d’une couche protectrice afin de ne pas vivre de nouvelles déconvenues. Ces couches névrotiques se superposent et créent des filtres qui influencent notre point de vue. Est-ce un obstacle au bonheur ? En tout cas, cela peut provoquer un déni et nous empêcher de ressentir des joies simples ou du dégoût profond. C’est pourquoi il est utile, à mon sens, de voir sous un jour nouveau les évènements qui ont jalonné nos vies. On peut ainsi les recontextualiser et les relativiser. Il existe une expression : « porter un regard neuf ». Le sujet qui nous occupe n’a pas changé, c’est nous qui le regardons sous un autre angle.
Si l’on veut évoquer l’état d’esprit de celui ou celle qui voudrait se délester du poids de l’expérience, on pourrait plutôt parler de légèreté. Comment faire pour se libérer de la pesanteur que notre existence nous fait subir ?
« Le bouddhisme zen repose sur un concept crucial : le shoshin 初心 ou esprit du débutant. C'est une attitude d'humilité que le pratiquant doit conserver tout au long de sa progression, quel que soit son niveau atteint. ». Même si cet état d’esprit n’est pas réservé aux personnes qui pratiquent une religion, on peut s’en inspirer pour trouver les moyens de continuer à progresser, même après avoir étudié un sujet pendant plusieurs années. Cela permet sans doute aussi de continuer à innover et à garder les yeux ouverts sur les réalités du monde.
Combien de sacrifices faut-il consentir pour quitter la pesanteur de notre monde imparfait ? Pour rester mobile, un travail d’assouplissement continuel est nécessaire. Pour ne pas s’alourdir, il faut se séparer de l’inutile. Pour ne pas entasser de connaissances obsolètes, il convient de les mettre à jour quotidiennement. Mais on ne peut se contenter de suivre des injonctions qui réduisent la légèreté à son expression la plus mercantile. Une valise remplie d’objets inutiles, bien qu’étant ultra-light, nous empêchera toujours d’avancer.
La prévenance, le souci de ne pas nuire, et tout ce qui peut être assimilé à de la gentillesse est souvent à tort jugé comme un comportement naïf. Mais on est loin de cela. Si l’obsession de bien faire est souvent le signe d’un manque chez un individu, elle est infiniment plus appréciable que ne peut l’être l’obsession de se faire plaisir ou de faire souffrir les autres. Connaissez-vous l’histoire de Monsieur Gentil (Roger Hargreaves) ?
« Monsieur gentil est très gentil, il fait toujours son lit. Il se brosse toujours les dents. Il essuie toujours ses pieds. Il ne claque jamais la porte. Il n'oublie jamais les anniversaires. Et il ne ment jamais. Monsieur Gentil est très, très gentil.
Or, monsieur Gentil habite Méchanville. Une ville où personne n’est comme monsieur Gentil. Une ville où les gens claquent les portes. Et ils te les claquent même au nez. (…)
Un jour, il pleuvait et le vent soufflait. Enfin comme d’habitude. Il faisait toujours mauvais à Méchanville.
Rendre service à Méchanville était impossible, inimaginable, du jamais vu. (…)
Ce n’était pas étonnant que monsieur Gentil ne soit pas très heureux. En fait, il était très malheureux.
Il décida alors de partir se promener pour réfléchir. Il marcha très longtemps. Il était tellement perdu dans ses pensées qu’il ne remarqua pas qu’il avait parcouru un long chemin. (…)
Je suis sûr que tu as deviné que monsieur Gentil habite maintenant à Gentiville. Et monsieur Gentil est heureux. Très très heureux, rendant service toute la journée. » [0]
Par conséquent, les fabricants s’adaptent à cette demande absurde et énergivore, avec les conséquences que l’on sait sur l’environnement. Cette logique va à l’encontre des principes de réparation, de réutilisation et de recyclage. On nous promet un moyen d’éviter une tâche fastidieuse, d’apporter du confort, de simplifier nos existences. Pourquoi s’embêter ? Le monde du jetable est tellement plus simple à gérer, à court terme en tout cas. C’est pourquoi il serait urgent selon moi de ne plus acheter (inventaire à la Prévert) :
Et moi, je suis une fille matérialiste. »
Madonna
Tous ces objets comblent un vide dans nos espaces de vie soi-disant trop grands. Mais justement, de la place, j’en manquais. J’ai fait du tri à la suite de mon arrivée dans un appartement qui ne possédait pas de cave. Parmi les possessions que j’ai conservées, il y a les objets que je n’ai jamais regretté d’avoir acheté. J’ai une tendresse particulière pour eux (merci de ne pas juger). Ils sont si peu nombreux que cela constitue une preuve de mon côté un peu (beaucoup) obsessionnel. Certains objets inanimés ont-ils une âme, pour paraphraser Lamartine ? Ces sept objets en ont une selon moi. Les voici, classés par date d’achat (ou date à laquelle on me l’a offert):
Le 06/07/2006 : un polo Lacoste
Avez-vous déjà été obligé de porter des t-shirts froissés ou des polos dont le col partait dans tous les sens ? Je me souviens aussi des faux polos Lacoste qui étaient vendus dans les années 80-90… avec un crocodile mal cousu. Bien sûr ils faisaient illusion les deux ou trois premières fois où on les portait. Mais l’original reste vraiment beaucoup plus confortable et solide, et résiste aux lavages. Le tissage « piqué » apporte du relief, de la solidité et bien sûr de la respiration.
Le col est fabriqué avec un tissu plus épais, et retombe toujours correctement. Bien sûr, la qualité a un prix, parfois trop important, mais pour une pièce qui reste pendant vingt ans dans une garde-robe, on peut se permettre un petit écart de budget.
Le 07/03/2008 : un couteau suisse
J’ai beau chercher, je ne vois pas une semaine sans que j’aie eu besoin au moins une fois de mon couteau suisse. Le couteau de l'armée suisse est parfait pour couper, visser, cureter, tailler, découper, épiler… j’en passe et des meilleures. Qu’emmèneriez-vous sur une île déserte ? Hé oui, exactement. Non, pas un briquet, pfff. Suivez, un peu.
Le 25/12/2008 : une écharpe Pétrusse
La marque française « Pétrusse » propose des tissus d’excellente qualité, fabriqués dans des matières nobles (soie, laine, lin, etc…). Pour ne rien gâcher, l’aspect esthétique est toujours très soigné. Je me souviens qu’ils vendaient de magnifiques masques en soie pendant la pandémie, fabriqués avec les chutes de tissus produites dans leurs ateliers.
J’apprécie surtout leurs écharpes, mais ils vendent aussi des étoles de très belle facture. On se transforme, le temps de les porter, en œuvre d’art vivante.
Le 30/07/2010 : une montre Casio W-212H
Qui porte encore une montre aujourd’hui ? Il suffit de regarder l’écran de son smartphone pour savoir l’heure. Mais souvent je n’ai besoin que d’une information : l’heure. Je ne souhaite pas connaitre les dernières nouvelles qui apparaissent sous forme de notifications et qui me déconcentrent. Donc une montre. Mais pourquoi pas une montre « connectée » ? Je me demande pourquoi je n’en possède pas (non). Peut-être est-ce en raison du coût$ ou bien de la nécessité de la recharger tous les jours ? Quelle marque de montre alors ? Casio est dans mon panthéon des marques incontournables. J’en suis tellement content, ne m’en veuillez pas si je leur fais de la publicité : « Achetez une montre Casio, n’importe laquelle ». C’est cadeau, vous pouvez garder le slogan si vous voulez. D’ailleurs j’ai choisi n’importe quelle montre de cette marque. J’ai changé la pile au bout de dix ans (10 ans !).
A part ça, tout va bien. Le bracelet n’a pas tenu la distance, et j’ai dû en changer pour un modèle en cuir. La précision de ce modèle n’est pas parfaite, elle avance d’une demi-seconde par jour. Mais si vous le souhaitez, d’autres modèles se calent sur le temps universel via un signal radio grâce à la technologie « waveceptor ». Sinon, elle continue à faire tout ce que je lui demande, donner l’heure, la date, s’illuminer quand j’appuie sur un bouton, me réveiller, lancer un compte à rebours pendant mes siestes, chronométrer mes courses à pied. Et si vous préférez les montres à aiguilles, ils en vendent aussi. Ah oui, si vous n’aimez pas changer la pile (10 ans je le rappelle), ils ont des modèles qui se rechargent à l’énergie solaire.
Le 08/04/2011 : un mug en porcelaine Hakuji de chez Muji
J’adore Muji. C’est une de mes marques préférées. J’achèterais sans doute tout le magasin s’ils n’avaient pas tendance à proposer des objets en plastiques totalement inutiles. Pour les meubles en bois et la vaisselle, allez-y les yeux fermés. La porcelaine Hakuji par exemple est d’une grande qualité. Elle vient d’une région du Japon qui produit de fort beaux objets. L’argile très pure avec laquelle elle est fabriquée la rend assez solide et douce au toucher. La simplicité des assiettes, bols, théières et tasses produites dans la province d’Arita est tout simplement charmante.
Le mug est particulièrement réussi selon moi. En effet, la poignée a le bon goût de ne pas appuyer sur les doigts en un seul point, puisqu’elle a une forme plate. Donc je ne me fais pas mal aux doigts quand je tiens cet objet, même quand il est rempli par de l’excellent thé vert Sencha.
Vous ai-je dis que la blancheur de la porcelaine prend progressivement la teinte du breuvage que vous aurez l’habitude d’y mettre ? C’est alors que cet objet vous appartiendra totalement.
Le 10/09/2011 : un pull en laine mérinos
Depuis les pulls de ma mamie qui me donnaient une envie irrésistible de me gratter la peau, jusqu’aux pulls en laine polaire qui électrisent les cheveux, je crois avoir essayé tous les types de mailles chaudes pour l’hiver. Il y a eu aussi pas mal de pulls en coton, un drôle de concept puisque ceux-ci ne vous protègent ni du froid, ni du chaud. Le pire reste quand même le pull-over en acrylique, dans lequel on transpire même quand il fait froid, et qui garde les odeurs. Restait la laine mérinos, que je ne connaissais pas. Je vais acheter un pull-over au magasin Célio du centre commercial de la Défense.
Je n’avais même pas remarqué dans quelle matière il était fabriqué. Je ne me rendais pas forcément compte des avantages que pouvaient avoir les matières naturelles sur les matières synthétiques. Et par conséquent, je me suis retrouvé surpris car j’ai mis ce pull presque tous les jours entre la fin de l’automne et le début de l’été. Pas parce qu’il était plus chaud que mes autres pulls, mais car il ne sent pas mauvais, et qu’il s’adaptait à l’environnement dans lequel je me trouvais. Je pouvais le porter plusieurs jours d’affilé sans avoir l’impression de dégager une désagréable odeur de transpiration. Les tâches non plus ne restent pas longtemps accrochée à la maille, un coup de brosse et elles partaient. Il m’arrivait parfois de le laver à 40 degrés en machine et de constater que la laine ne faisait pas de bouloches.
Mais j’ai arrêté de le faire, car je n’avais besoin de l’emmener au pressing qu’une fois par an pour l’entretenir. Évidemment, à force de porter la même chose tous les jours, j’ai fini par me lasser (et mon entourage aussi). Et le frottement de ma ceinture et des poignets sur mon bureau a fini par abimer la laine. A partir de là, j’ai vite cherché à remplacer tous mes pulls par des modèles en laine mérinos. Assurez-vous quand même que les moutons sur lesquels la laine aura été tondue ont été traités avec respect, c’est loin d’être toujours le cas.
Le 20/04/2015 : une râpe en acier Ikea
Vous avez déjà acheté du fromage râpé ? C’est beaucoup plus cher et ça se périme très vite. Quant aux carottes râpées vendues en sachet, n’en parlons pas, elles sont sèches et immangeables. Pour râper vous-même des aliments, quoi de mieux qu’une râpe qui se tient d’une main pour rester stable, et laisse l’autre libre ? Celle vendue 5€ par Ikea (Idealisk) est très pratique, ne s’use presque pas, et prend peu de place une fois rangée.
Alors oui, il vous faudra utiliser vos muscles. Et vous risquez de vous faire mal si vous approchez vos doigts trop près des lames. J’ai cassé plusieurs fois l’ongle de mon pouce droit quand je ne faisais pas attention. Une fois que vous maîtrisez le geste, vous ne pouvez plus vous en passer.
Le 01/11/2015 : un processeur Intel Core i7
Vous avez un ordinateur, mais vous ne savez pas comment il fonctionne. Alors voilà une petite explication. Il y a une petite puce électronique sur un circuit imprimé (la carte mère) qui fait tous les calculs, et presque sans se tromper en plus ! C’est le processeur. Oui, il y a des processeurs pour tous les goûts. En général, on ne fait pas trop attention à ce détail quand on achète un PC. On cherche le prix le plus bas, avec un Core i3 ou pire un Celeron ! Grossière erreur. Au bout de quelques mois d’utilisation, vous en aurez assez d’attendre que l’ordinateur s’allume, et vous retournerez sur votre smartphone pour faire vos déclarations d’impôts (honteusement). Donc pourquoi ne pas choisir un bon processeur dès le départ ? C’est ce que j’ai fait, et je n’ai absolument pas regretté. Le modèle que j’ai acheté d’occasion était un Core i7 2600K cadencé à 3.40 Ghz, conseillé par mon magazine préféré (Canard PC Hardware). Il était sorti plus de quatre ans avant que je ne me le procure, soit une éternité dans le monde des nouvelles technologies. La consommation électrique est maîtrisée, et la puissance est toujours là, sept ans après avoir installé la puce dans mon PC. Aujourd’hui, je choisirais sans doute un des modèles d’Apple. Ils consomment nettement moins d’énergie, ce qui n’est pas un luxe quand on voit combien de temps on laisse ce genre de machine allumée pour rien. Le M1 par exemple est un très bon processeur, dommage que le prix d’entrée pour un Mac soit si élevé…
Pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gauffres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux » Boris Vian, La complainte du progrès
La liste s’arrête ici, mais elle n’est pas exhaustive. S’il y a bien un objet dont je ne pourrais me passer, c’est d’un livre. Pas d’un seul livre bien sûr, mais de celui que je lis en ce moment par exemple. Car la matière peut être sublimée par l’être humain au point où celle-ci dépasse le statut d’objet pour devenir quelque chose d’un peu mystérieux. C’est le talent, le travail et la patience de l’artiste, de l’ingénieur ou de l’artisan qui permettent à ces objets de réaliser cette transition. Ils nous aident à rendre perceptible ce qui ne l’était pas, à repousser nos limites, à nous faire grandir.
[0]
"C'est un dessein très dangereux
Vous trouverez ici Le site de l'Institut Européen des Itinéraires Culturels
Il s'agit du site de l'Institut que dirige mon père, Michel THOMAS-PENETTE. Allez-y, les informations qui s'y trouvent sont très claires et ne concernent pas que les professionnels.
Si vous souhaitez suivre vos billets
d'Euros à la trace allez sur: Eurobilltracker.com
le site est ludique et très bien fait !
Que d'entreprendre de plaire :
Les délicats sont malheureux ;
Rien ne saurait les satisfaire."
La Fontaine
Pour m'écrire : envoyez un message à
fthomaspenette@free.fr
Faire un don: