Je ne crois pas être quelqu'un d'influençable. Et pourtant, il a suffit d'un film pour m'aider à prendre conscience d'un problème auquel je n'avais pas vraiment pensé jusque là. La pollution visible, le manque de considération pour notre environnement, la destruction de la faune et de la flore, tout cela n'avait pas de secret pour moi. Je me rendais compte que j'avais peu de moyens d'agir, et j'avais presque réussi à me convaincre qu'il n'y avait rien à y faire. Mais depuis la canicule de 2003, une vérité échappait à mon esprit focalisé sur mon travail, mon quotidien et l'organisation d'un mariage qui avait lieu en juillet. Al Gore, cet ancien vice-président des USA, était passé à deux doigts d'être élu président lui-même. Le scrutin de 2000 était entaché de quelques irrégularités, mais on ne va pas refaire l'histoire. Dès lors, il était assez disponible pour se consacrer à d'autres tâches, comme parcourir les Etats-Unis et d'autres pays pour présenter ses découvertes sur... le réchauffement climatique. Car c'est la première fois que je comprends ces mots, même si je les ai entendus souvent jusqu'à cette date. Ce film documentaire réalisé par Davis Guggenheim alterne le one-man-show du politicien dans des amphithéâtres, et des images de sa vie quotidienne, alors qu'il répond à une interview sur sa vie en voix off. L'exposé est simple, compréhensible, indéniable. La très grande majorité des scientifiques s'accordent à le dire, mais ils crient dans un désert. D'ailleurs, le désert est l'environnement qui va sans doute finir par recouvrir la plupart des surfaces émergées de la Terre d'ici quelques décennies. En tout cas, la survie de l'espèce humaine est en jeu. La faune et la flore finiront par revenir, mais qu'en est-il de nos enfants, et des enfants après eux ? Pas d'avenir, ou en tout cas un avenir peu radieux, avec des températures caniculaires toute l'année. Al Gore commence tout simplement par rappeler le principe d'incertitude et les bases de la technique scientifique. Dans sa présentation, il utilise un écran géant, des dessins animés, des graphiques et l'humour ou l'ironie. Tout est éminemment visuel. Comment faire comprendre au plus grand nombre ce qui est si compliqué à voir ? Le CO2 est invisible, mais plus on en consomme, et plus l'économie se porte bien. Il est donc logique que les acteurs économiques aient intérêt à ne pas freiner la consommation de combustibles fossiles. Le problème est que cette tendance s'aggrave, car les pays émergents rattrapent leur retard sur les pays riches car ils puisent dans leurs gisements de gaz, charbon et de pétrole. Et la seule réponse que l'on imagine apporter à ce danger, c'est la technologie. Toujours plus de technologie, alors qu'il faudrait surtout moins de consommation d'énergie. La sobriété, à laquelle personne ne souhaite s'astreindre, ou plutôt à laquelle on souhaite que "les autres" s'astreignent. Car il en est de ce sujet comme de celui de la pauvreté ou des guerres. "Débrouillez-vous, car je ne suis pas coupable" nous semblent dire les masses silencieuses dont je fais partie. C'est cette passivité que je ressens tout d'un coup comme une faute. Ce film a profondément influencé ma vie. Et à compter de cette date, toute ma grille de lecture, tous mes choix se feront à l'aune de la lutte contre le réchauffement climatique. A-t-on vraiment besoin de rouler si vite sur l'autoroute ? Comment capter le CO2 qui sort inexorablement des cheminées et des pots d'échappement ? Ai-je vraiment envie de manger une mangue qui vient du Pérou ? Je remets en cause mes décisions antérieures, et pèse le poids de la responsabilité de faire naître un enfant dans ce monde condamné. Se pose alors la question de la méthode utilisée pour que le doute simmisce dans les esprits, y compris celui de représentants de la communauté scientifique. L'homme est-il à l'origine du réchauffement ? Comment se fait-il que nous n'ayons pas vu le fossé qui existait entre les rapports sérieux et les articles de presse ou les débats télévisés qui terminaient souvent par une absence de conclusion entre l'origine humaine ou celle de la nature. La raison est simple, pour alimenter le débat et la "culture du clash", on oppose l'un des milliers de chercheurs qui savent ce qui nous attend dans 25 ou 30 ans à un soi-disant expert qui prétend, sans prouver quoi que ce soit, que tout cela est une théorie et que rien ne permet de conclure à l'influence de l'homme. Ce statu quo a duré quelques années, et nous a permis de continuer à polluer sans se sentir coupables. Mais il a bien fallu se rendre à l'évidence, et installer des climatiseurs dans les Ehpad pour éviter de voir mourir tous nos anciens chaque été. Il reste quelques climato-sceptiques, surtout aux USA, mais on voit désormais concrètement les effets du réchauffement. Crues, inondations, tempêtes, disparition des glaciers et de la calotte glaciaire... Vient alors le temps du désespoir. Al Gore nous met en garde, et nous invite à rester entre ces deux extrêmes: le déni ou la dépression. Rester conscients, mais se dire que tout est encore possible et que l'être humain ne va pas disparaître, même si on peut imaginer que les conséquences du réchauffement vont mettre un frein à son expansion. Si nous arrivons un jour à dix milliards d'êtres humains, et nous y arriverons, il sera sans doute impossible de maintenir une certaine qualité de vie à tous. La grande pauvreté, que certains pays ont réussi à réduire fortement ces dernières années, va toucher de plus en plus de gens. Les réfugiés climatiques en sont les premiers représentants. Comment agir ? Le documentaire y répond en partie, avec les solutions imaginables en 2006... En fait, chacun d'entre nous peut agir pour réduire, recycler et ré-utiliser, ce sont les trois "R". Mais le chemin pour parvenir à la diminution des émissions de gaz à effet de serre est semé d'embûches. La première est l'absence de tableau de bord, le fait qu'on ne voit pas l'influence de nos choix sur l'environnement, et qui les rend inutiles à nos yeux. D'ailleurs, notre horizon sur ce point se limite souvent à notre quartier, notre région ou notre pays. La seconde est notre addiction aux énergies fossiles. Notre plaisir et notre confort augmentent à mesure qu'on rejette du CO2 dans l'atmosphère. La troisième est bien sûr le mirage de l'invention providentielle, qui n'arrivera pas. Pour donner un exemple, ce n'est pas la voiture électrique qui va résoudre le réchauffement climatique. Le générique de fin l'explique assez bien, c'est un ensemble de mesures qui vont nous mettre sur la bonne voie: planter des arbres, économiser l'énergie, choisir des fruits et légumes de saisons... On sort de ce film secoué, mais motivé par l'objectif de sauver notre mode de vie. Dans le film "Une suite qui dérange" réalisé en 2017, juste après l'élection de Donald Trump, Gore y expose ses doutes d'arriver un jour à ce résultat. (écrit le: 2021-03-31) catégorie: cinéma - année: 2007