Installé dans mon studio depuis quelques semaines, j'avais envie de me changer les idées. Je pense à Stockholm, un peu par envie de découvrir une ville que je ne connaissais pas, et un peu pour éviter les grandes chaleurs estivales. Les guides touristiques sont remplis de mensonges. Qui peut prédire quelle expérience il vivra en partant une semaine dans une grande ville ? Nul ne peut l'anticiper. Et pourtant je pars en Suède quelques jours avec les idées préconçues glanées ici et là. J'ai improvisé totalement, en réservant le vol et l'hôtel à la dernière minute sur Voyages-sncf.com. Le temps de boucler ma valise, je me rends compte que je ne peux pas la porter à bout de bras tout en chevauchant mon vélo jusqu'à la gare. Du coup je prends la lanière d'un autre sac, l'entoure sur la poignée, puis cale la valise sur mon épaule. Ni une, ni deux, je prends un avion Air France en début d'après-midi, après avoir fait le trajet en transport en commun (RER C puis B). Le sentiment de culpabilité qui m'habite depuis que j'ai quitté ma femme me rattrape douloureusement, sous forme de spasmes. Mes intestins se tordent dans tous les sens alors que l'avion décolle. Arrivé à Arlanda, il faut rejoindre le centre-ville de Stockholm avec un train de banlieue, je contemple le paysage composé principalement de sapins et de grandes prairies. En approchant de la destination, je constate que l'eau est omniprésente, chaque quartier est séparé des autres par des lacs ou des bras de mer. Je retire quelques billets (en couronnes suédoises), puis j'arrive dans le métro. Les distributeurs automatiques ne délivrent pas de tickets, et je demande donc de l'aide à un employé qui parle à peine anglais. Il me fournit alors une carte magnétique que je dois recharger sur l'automate. Mon guide Cartoville en poche, je cherche l'hôtel Alexandra, dans le quartier de Södermalm. Je constate que c'est un lieu ouvert à la diversité, en tout cas beaucoup plus que le reste de la ville, où presque tout le monde est blond. Après quelques minutes de marche, j'arrive vers 20 heures à l'accueil pour faire le check-in. Ma minuscule chambre est au rez-de-chaussée, et j'aurais peut-être dû réserver ailleurs. En effet, j'ouvre le rideau et me rends compte que j'ai un mur en face de moi... Peu importe, ce qui compte d'abord c'est la ville. Le lendemain, malgré le temps pluvieux, je commence par découvrir Gamla Stan, l'île centrale dans laquelle se trouve la vieille ville. J'arrive au musée Nobel, et une visite guidée en anglais commence au moment où j'entre dans ce beau bâtiment près de la cathédrale. La liste des grands hommes (pas beaucoup de femmes malheureusement) et découvreurs de notre temps s'affiche du sol au plafond, et j'en apprends beaucoup sur la vie de certains d'entre eux. Après une pause pour manger une pâtisserie à la cannelle, je pars vers un lieu moderne qui expose des photos: Fotografiska. Les clichés d'éléphants que Nick Brandt a rapporté de ses voyages en Afrique m'ont beaucoup impressionné, et j'en rapporte quelques reproductions sous forme de cartes postales. Le lendemain, j'arrive à Djurgarden, une île beaucoup plus végétale, avec de nombreux parcs, des musées, un zoo et des scènes de spectacle en plein air. J'en profite pour tester les vélos en libre-service "City Bikes". On peut en louer pendant trois heures pour un prix modique, et cela me permet de découvrir l'île toute entière sans avoir à trop marcher. Mais un sentiment de vide m'envahit alors que je termine le tour. Je n'ai pas le choix, je dois m'asseoir sur un banc, les jambes en coton. Je ne sais plus ce que je fais ici, et je me sens très seul. Il me faut un bon quart d'heure avant de reprendre mes esprits. Puis je me dirige vers le métro jusqu'à Ropsten pour marcher jusqu'à Lidingö en traversant un pont. Mon objectif est d'aller voir la maison et le jardin de Carl et Olga Milles, deux artistes dont la propriété a été transformée en lieu d'exposition. La très libre expression de ce couple s'illustre dans des sculptures fines et massives, disposées un peu partout sur le domaine fleuri et subtilement décoré que je visite avec mon appareil photo en main. Je sors vivifié de cet endroit unique au monde. Je me balade ensuite au hasard des îles du centre-ville le lendemain. J'avais emporté avec moi un livre de Saul Friedländer sur Kafka, que je lisais par moment, assis sur un banc, dans un parc, et les passants suédois ne faisaient pas attention à moi. Arrive le dernier jour de mon voyage. J'avais prévu de visiter le parc du château de Drottningholm à l'heure du déjeuner. Je vais jusqu'à Brommaplan en métro, puis profite de la météo qui s'est grandement améliorée pour marcher quatre kilomètres jusqu'au château. Je traverse des zones résidentielles plutôt jolies, ainsi que deux ponts, avec mes écouteurs sur les oreilles. Arrivé au parc, je suis accueilli par des cars de touristes chinois qui visitent ce monument incontournable de la Suède. Et les jardins sont d'une beauté étourdissante. Des gardes en uniforme sont vigilants et empêchent les touristes de s'approcher des zones encore occupées par les monarques et leurs descendants. Je m'installe sur une des pelouses qui m'offre une vue sur le théâtre afin de manger une salade de thon et une part de gâteau. J'hésite à visiter l'intérieur du château, puis renonce devant la foule importante qui fait la queue dans l'escalier. J'arrive difficilement à me convaincre de rentrer à l'hôtel. Je fais un détour par Gamla Stan pour me perdre un peu dans les ruelles pittoresques. Puis arrive le 25 juillet, jour du départ. Je prends un petit-déjeuner dans une salle exiguë en sous-sol, ce que je n'avais pas fait depuis mon arrivée. Puis c'est le chemin du retour qui m'attend, d'abord le métro, puis le train, et enfin l'avion. J'atterris vers 16 heures à Charles de Gaulle et rentre dans ma tanière à 18 heures 30. C'est l'heure de faire le bilan de cette escapade au nord de l'Europe. C'est un voyage qui m'a enchanté même si je me suis senti très seul par moment. Si je n'avais pas décidé de partir au dernier moment, sans doute ne l'aurais-je même pas fait. J'y retournerais volontiers, mais pas tout seul. (écrit le: 2021-09-03) catégorie: voyages - année: 2015