date: vendredi 01/11/1985 (9 ans) lieu: Colombes
Ma mère a acheté une encyclopédie à un représentant qui a sonné à la porte de l'appartement. Cette collection, en plusieurs volumes, s'appelle 'Tout l'univers'. On y retrouve, les articles présents dans n'importe quel dictionnaire, avec beaucoup plus de détails. Les livres, reliés avec une couverture en cuir rouge épaisse, sont rangés en bas de la bibliothèque dans le salon de notre appartement. Parfois, je prend un des 17 tomes pour m'y plonger, et lire des articles sur les panneaux solaires, l'histoire de France, ou l'agriculture. Chaque volume au format A4 fait presque 4 centimètres d'épaisseur. Un des livres référence tous les articles par ordre alphabétique, pour pouvoir les retrouver dans l'ensemble de la collection. La raison pour laquelle ça prend autant de place tient au contenu, composé de dessins mais assez peu de texte. Au bout d'un moment, à force de compulser cette source de connaissance, j'ai fini par en faire le tour. Il faut dire que ces livres étaient destinés à des adolescents, et traitaient les sujets assez superficiellement. Je retournais quand même assez régulièrement sur une page consacrée à la reproduction humaine, les dessins étaient assez explicites, et représentaient un couple en train de faire l'amour ! J'imagine assez peu aujourd'hui des parents acheter ce genre d'encyclopédie à leurs enfants, alors qu'on peut tout savoir grâce à internet (enfin surtout Wikipedia !). (écrit le: 2012-10-08) catégorie: livres - année: 1985
date: samedi 05/05/1990 (14 ans) lieu: Colombes
Christine m'offre un livre de Jean-Denis Bredin paru chez Gallimard, « Un enfant sage ». Elle rajoute une note manuscripte sur la page de garde qu'elle termine par: "...nous en reparlerons...". La politesse extrême de cet enfant lui rappelle mon caractère. C'est l'histoire d'un garçon dont les parents sont divorcés. Il obéit à tous les ordres de son père et de sa mère, qui viennent de deux univers très différents. L'action se situe dans les années 30 et s'inspire fortement de la vie de l'auteur. Ça ne me dérangeait pas de lire des romans, mais celui-ci était sans doute trop sérieux. Je crois me souvenir de ne pas avoir apprécié l'ambiance stricte et le désarroi que vivait le personnage principal, plus jeune que moi. Quand on m'a donné ce livre, il est possible aussi que je l'ai ressenti comme une nouvelle tentative de me catégoriser: timide, étourdi et maintenant... sage, trop sage. Quand on essaye de capturer un adolescent, il s'échappe. Les grosses ficelles de ceux qui pensaient devoir me bousculer pour me faire réagir, je les voyais arriver à des kilomètres. Pour me dire ce que je devais faire, il suffisait de me le demander, et quand on me posait une question, je prenais le temps avant de répondre. Tout cela n'explique pas vraiment mon état d'esprit à l'époque, mais les coups que je prenais dans la figure me faisaient plus mal que ce que je voulais bien exprimer. Revenons au livre. Sans doute l'auteur voulait-il exorciser son excès de docilité, ce comportement qui a accompagné la séparation de son père et de sa mère. On finit par dire à chacun d'entre eux ce qu'ils veulent entendre, pour leur faire plaisir. C'est une réaction que doivent avoir eu de nombreux enfants, comme moi, dans cette situation. Ce réflexe n'aide évidemment pas un individu à se définir lui-même comme la synthèse de deux parties, lorsque celles-ci se déchirent. Comment suis-je né, et de quelle façon se comporter, si les personnes dont je suis issu ne s'accordent sur rien ? Il est difficile de répondre à cette question avant d'avoir pris un peu de bouteille. J'imagine qu'à 60 ans, Bredin avait l'expérience nécessaire pour accepter la situation et rédiger ce livre. (écrit le: 2014-09-13) catégorie: livres - année: 1990
date: samedi 25/09/1993 (17 ans) lieu: Strasbourg
Dans la bibliothèque de mon père se trouvent des tas de livres, surtout des romans. Certains évoquent quelque chose pour moi, d'autres rien du tout. Je connaissais celui de Marguerite Duras, surtout grâce à l'adaptation réalisée par Jean-jacques Annaud. C'est "L'amant" bien sûr, et le film était sorti l'année précédente. Le nombre de pages, moins de 150, n'a pas l'air trop important. Comme je m'ennuie un peu, je commence à lire une feuille, puis deux... L'histoire, à Saïgon, de cette jeune fille qui tombe amoureuse d'un homme chinois, était en grande partie autobiographique. Elle avait reçu le prix Goncourt en 1984 pour ce livre. Je m'allonge dans le fauteuil Le Corbusier, mais j'ai le cou tordu et je n'arrive pas à trouver de position confortable. J'étais tellement passionné que je n'ai pas senti la douleur qui s'installait en moi tandis que je lisais. Cela ne m'empêchera pas de finir le livre, en quelques heures. Le petit coussin cylindrique peinait à amortir le poids de mon corps, alors que j'étais appuyé sur le bras droit. Le mal de dos va me poursuivre tout le reste de la journée. (écrit le: 2016-06-24) catégorie: livres - année: 1993
date: dimanche 10/11/1996 (20 ans) lieu: Strasbourg
Je reçois toujours des livres que je n'ai pas choisi, grâce ou à cause de France Loisirs. Le livre qu'ils ont sélectionné ce trimestre est signé Umberto Eco. C'est un pavé de presque 500 pages, avec une couverture bleue représentant un bateau à voile qui ressemble à l'Hispaniola ou la Santa Maria. L'histoire, comme souvent chez Eco, se situe au moyen-âge. Roman d'aventure, mettant en scène un jeune homme embarqué malgré lui sur un bateau qui fera naufrage sur une île du Pacifique, la solitude du personnage principal donne un prétexte à l'auteur pour lui faire raconter ses péripéties. Cette île est située sur la ligne de changement de date (le lieu où le décalage horaire positif et négatif par rapport à Greenwich s'annule). Il suffit donc de passer la ligne pour être le jour d'avant. l'écrivain italien s'amuse à imaginer ce jeune homme luttant pour sa survie dans un bateau remplit d'horloges, toutes plus imprécises les unes que les autres. La peau brûlée par le soleil, le sel ou le corail qui vit juste sous la surface de l'eau, Roberto de la Grive doit composer avec les éléments qui concourent à sa perte. Avant son naufrage, le personnage aurait rencontré des personnes réelles ou fictives du XVIIème, ce qui permet à Eco de rendre hommage à Blaise Pascal, Cyrano de Bergerac,... Chaque soir, j'aimais me plonger dans ce roman d'aventure pour partir dans ce monde imaginaire plein d'érudition. (écrit le: 2012-12-23) catégorie: livres - année: 1996
date: jeudi 10/05/2001 (25 ans) lieu: Houilles
« Certain Ours montagnard, Ours à demi léché, Confiné par le sort en un bois solitaire, Nouveau Bellérophon vivait seul et caché : Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés :». Je me suis mis en tête d'apprendre par coeur une fable de la Fontaine que j'apprécie particulièrement. D'un certain point de vue, cette fable parle de moi, elle parle de nous. « Il est bon de parler, et meilleur de se taire, Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés. ». Allongé sur ma mezzanine, assis sur ma chaise de bureau, en ballade dans les rues de Houilles, chaque moment libre est l'occasion de répéter les vers ciselés du fabuliste. Il faut dire que l'histoire de cet homme, qui s'entiche d'un Ours pour tromper sa solitude, mérite bien l'adjectif de « tragi-comique ». « Non loin de là certain vieillard S'ennuyait aussi de sa part. Il aimait les jardins,(...) Les jardins parlent peu ; si ce n'est dans mon livre ; De façon que lassé de vivre avec des gens muets, notre homme un beau matin, va chercher compagnie, et se met en campagne. ». Tous les mots sont importants, et les fables les plus courtes sont les meilleures (c'est mon avis). Celle-ci fait deux pages, et n'est pas si facile à retenir. La Fontaine doit nous présenter les personnages et nous faire comprendre pourquoi deux individus si incompatibles se retrouvent « bons amis » ! Les deux anachorètes finissent en effet par se rencontrer et à trouver un « gentlemen's agreement ». L'ours et l'homme vivent ensemble. A la fin, arriva ce qui devait arriver: la maladresse du plantigrade finit par tuer l'amateur de jardin. Pour quelle raison ? Une simple mouche s'était posée sur le nez de l'homme qui dormait, et l'Ours écrase l'insecte avec un pavé...« Rien nest si dangereux quun ignorant ami ; Mieux vaudrait un sage ennemi.». Finalement, la morale de cette Fable n'a pas beaucoup d'importance. Pour La Fontaine, le chemin est souvent plus intéressant que le but du voyage. Dans « Le Fou qui vend la sagesse », la morale précède le texte, comme si l'auteur voulait s'en débarrasser le plus vite possible. Dans « Le Héron La Fille », deux Fables jumelles se succèdent, et la morale (carpe diem) se glisse entre les deux. Ici, la leçon que nous donne La Fontaine tient en deux parties: il faut de la mesure dans la parole et dans le silence - et - mieux vaut être seul que mal accompagné. Le moment le plus savoureux de l'histoire est le récit de la rencontre des deux solitaires, quand l'Ours dit « Viens-t'en me voir » et que l'homme lui propose des fruits et du lait! J'avais imprimé le texte sur une feuille A4, plié dans une poche de mon pantalon. Cela me permettait de rectifier les erreurs que je faisais en déclamant la fable à haute voix. J'essayais d'imiter la voix rauque de l'animal qui tentait de se faire un ami. Le simple fait d'imaginer la scène me fait encore sourire. Ajoutons une morale toute personnelle à cette histoire: à trop chercher un environnement calme, par misanthropie sans doute, je finissais par m'éloigner des amis qui me supportaient encore ! J'avais l'impression que si peu de gens arrivaient à le faire à l'époque... (écrit le: 2015-05-23) catégorie: livres - année: 2001
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