date: dimanche 15/07/2018 (42 ans) lieu: Guyancourt
J'avais complètement abandonné l'idée de maintenir un site de pronostics sportifs en 2014, faute de participants. Pour cette Coupe du monde de football en Russie, je participe à un concours organisé par des collègues de travail. Les prédictions sont enregistrées sur le site "Scorecast", et le vainqueur pouvais gagner une boîte de bonbons. J'arrive enfin à obtenir un code d'accès de l'organisateur, alors que la compétition a déjà commencé depuis plus d'une semaine. J'ai donc beaucoup de points de retard. Alors que j'étais allé à Marseille il y a plus de deux ans, un guide d'excursion m'avait surpris en prédisant la victoire de la France en finale. Une deuxième étoile sur le maillot... on en rêvait, mais sans oser le dire. Alors que les premiers matchs commencent, un gros point noir se dessine, le décalage horaire qui était un peu gênant. Je suivais quand je le pouvais les rencontres, bien installé dans le canapé de mon salon. Certains matchs de l'équipe de France avaient lieu en pleine journée, notamment le huitième de finale contre l'Argentine et le quart de finale contre l'Uruguay. Notre employeur avait trouvé un moyen technique pour diffuser en streaming les rencontres sur l'écran de notre ordinateur professionnel. On a pas beaucoup travaillé, même si la productivité n'aurait pas été extraordinaire avec ou sans cette astuce. J'avais quelques succès dans mes pronostics. Il faut dire que l'étudiant en alternance qui m'accompagnait depuis septembre était beaucoup plus doué que moi pour prédire les résultats, et il me donnait quelques tuyaux. Je remontais tout doucement le classement général face à mes collègues. Le site de pronostics permettait de changer son pseudonyme quand on le souhaitait. Un jour, tous mes collègues ont changé leur nom en "biscotte" en hommage à au nom de famille d'un des participants. Ils avaient également changé leur avatar pour choisir le maillot du Barça. Du coup, personne ne savait qui était le premier du classement. J'ai fait rire tout le monde en changeant mon pseudo en "mascotte", étant donné que je ne travaillais avec eux qu'un jour par semaine. Tout le monde a fini par reprendre son nom au bout d'un moment, car à force de changer en "craquotte", "marmotte", etc... on ne s'y retrouvait plus. Le jour de la finale contre la Croatie, je me sentais galvanisé par l'enjeu. J'imaginais que la défaite de mon pays était impossible. Fidèle à mon score fétiche (1-0), je me suis carrément trompé. Certes, la France a gagné, mais sur un score de 4 buts à 2. Je n'ai pas fini premier du classement des pronostics, mais j'étais assez content d'avoir atteint la troisième place en partant de si loin. (écrit le: 2023-10-11) catégorie: sport - année: 2018
date: mardi 23/10/2018 (42 ans) lieu: Guise
Depart de Noyon pour Bruxelles, mais le vélo n'avance pas vite. Je prends beaucoup de retard, et finis par arriver péniblement au musée de la Résistance et de la déportation de Terguier. Je n'ai pas le temps de le visiter, en prends une photo puis j'enchaîne: La Fère, Brissay-Choigny, et vers 13h, je mange mon pique-nique à Mézières-sur-Oise. Puis, après la ville de Sissy, c'est le familistère de Guise que j'atteins. Cet ensemble de bâtiments du XIXème siècle est très bien restauré, et représente sans doute le meilleur exemple de réalisation d'une utopie sociale et industrielle. C'est ici que sont fabriqués les célèbres poêles en fonte depuis 1846. L'objectif de son concepteur, Jean-Baptiste Godin, était de rendre la vie des ouvriers plus heureuse, lui qui était issu d'une famille modeste et critiquait le capitalisme libéral. Une grande statue de cet homme altruiste trône au milieu de la place centrale. J'entre dans le pavillon central pour visiter les expositions, puis dans le théâtre et la buanderie-piscine. Le temps de prendre un thé à la buvette, je récupère mon vélo posé derrière la boutique puis repars. Osy, Fesmy-le-Sart, Maroilles (très jolie ville d'où vient le fameux fromage). Mes réserves en eau ont beaucoup baissé, et je n'ai plus de jambes. Ce coup de pompe m'oblige à m'arrêter au cimetière du Favril pour remplir ma gourde. Puis c'est Aulnoye-Aymeries, Haumont et enfin, au clair de la pleine lune, Maubeuge. Bourvil chante dans ma tête alors qu'il est 20h30 et que les 40 derniers kilomètres se terminent sur les rotules. Après avoir roulé 140 km, je n'ai pas le courage de chercher un restaurant, je vais manger à celui du Campanile où j'ai réservé une chambre. Je m'endors dans une literie confortable et standardisée. Je repense aux paysages rencontrés, parfois d'une sauvage domesticité. Mais aussi à cette France abandonnée, où des machines remplacent les hommes, où vivent seules des personnes âgées. Des maisons en brique rouge se succèdent, dont certaines sont très belles et bien entretenues. Des éoliennes, des champs de colza et de pommes de terre s'étendent à perte de vue. Des volutes de fumées blanches s'envolent des cheminées de l'usine sucrière d'Origny. Le long de l'Oise, des étangs aménagés pour la pêche affichent des promesses de carpes et de truites arc-en-ciel gigantesques. Dans certaines rues, tous les appartements et toutes les maisons arborent leur petit panneau "A vendre" délicatement plié au milieu et attaché à la rembarde des fenêtres. J'imagine le désarroi de ces gens qui ne peuvent partir, bloqués entre deux vies, puis sombre dans un sommeil profond. (écrit le: 2019-11-24) catégorie: voyages - année: 2018
date: mercredi 24/10/2018 (42 ans) lieu: Bruxelles
Après un petit déjeuner à la gaufre, direction Bruxelles ! Je charge mon vélo de randonnée, qui était bien à l'abri, posé sur sa béquille à côté de mon lit dans la chambre de l'hôtel Campanile. Une belle ligne droite orientée au Nord m'attend. La bruine du matin est gênante, des gouttelettes se collent sur le verre de mes lunettes. La belle ville de Mons se découvre après une frontière inexistante. Des immeubles d'une grande diversité s'alignent autour du boulevard périphérique de cette ville universitaire. Puis direction Soignies, sur une route toujours aussi droite mais que j'espérais plus plate tant mes bagages pèsent lourd. Des canettes de bière "Jupiler" s'entassent au bord de cette route empruntée par de nombreux camions. J'arrive à Tubize pour le déjeuner, et m'assois sur le pilier de la clôture d'une maison à l'abandon. J'engloutis un sandwich acheté dans une station service. Une piste cyclable longe le canal entre Hal (Halle en néerlandais car la langue a changé depuis quelques kilomètres!) et Bruxelles. Finies les petites montées et les descentes, je suis sur du plat, au plat pays. Les quartiers de banlieue apparaissent à l'horizon, et l'architecture me déprime un peu. Heureusement, le paysage deviens moins monotone alors que j'approche du centre-ville, où des petits moulins à vent colorés longent le canal dans le quartier de Mollenbeek. Après 80 km de route, j'arrive à l'accueil de l'hôtel Ibis et laisse mon vélo à une hôtesse. Il est 15h30, l'heure de prendre une douche et de prévoir mes activités du lendemain. J'ai les jambes en feu, les fesses anesthésiées, et une troisième journée de trajet d'affilé m'aurait sans doute achevé. Mais c'est surtout la décision de couper le trajet en deux à Maubeuge que je remets en cause. J'aurais dû m'arrêter à Maroilles pour équilibrer les distances à 100 km par jour. Je sors dans le quartier de la Bourse pour m'acheter un sandwich et une boisson puis rentre dîner dans la chambre. (écrit le: 2019-11-24) catégorie: voyages - année: 2018
date: jeudi 25/10/2018 (42 ans) lieu: Bruxelles
Réveillé à 8h, j'ai peine à lever mes jambes pour descendre dans la salle du petit déjeuner. Trois hommes et une jeune femme partagent avec moi lascenseur qui se dirige vers le rez-de-chaussée. Arrivé devant le distributeur à café, la jeune femme se coupe la main en ramassant une tasse brisée. Je la regarde se faire soigner par le personnel de l'hôtel, puis prends un plan de la ville en libre-service après avoir avalé un petit déjeuner copieux. Le "MIMA", un musée d'art moderne à Mollenbeek propose une expo sur les affiches contestataires des années 60-70. La collection est bien représentative de cette période qui a suivi Mai 68 où la sérigraphie à bon marché était en pleine explosion. Ces affiches envahissaient les villes en marquant les esprits. On y retrouve les slogans: "Il est interdit d'interdire", "Les frontières, on s'en fout !", etc... Je sors ensuite me balader dans le centre-ville, et passe devant le Manneken Pis, les galeries royales St Hubert et la Place Centrale. J'entre ensuite dans le musée des Beaux-Arts pour voir les tableaux de Bruegel, ainsi que les collections. Le self du musée propose des plats assez nourrissants pour un prix abordable. Je mange ma purée de pomme de terre moulée en forme de grosses sphères sur une assiette au format king-size. L'ambiance est feutrée, pareille à celle d'une boutique de luxe qui vendrait du prêt-à-porter. Des bruxelloises retraitées discutent de leur progéniture décevante autour de moi. Je me dirige ensuite vers le Palais de Justice puis le Jardin Botanique, qui accueille une exposition de Bernard Villers: "La couleur manifeste". Ce plasticien joue avec les matières et les couleurs en perfectionniste du monochrome. C'est harmonieux, même si on ne peut s'empêcher de noter une certaine provocation chez l'artiste ! On est parfois plus proche de la peinture en bâtiment que du chef d'oeuvre. Vers 19h30, je pars visiter la "Maison Autrique", du nom du mécène de Victor Horta. Il a commandé l'un de ses premiers chantiers à cet architecte passionné par les formes végétales. S'y tient une représentation de piano interprété par Mathilde Mazabrard. La maison participe à l'ouverture nocturne de certains musées le jeudi entre septembre et décembre. Une exposition d'étoffes et de papiers peints du XIXème s'y visite également, ainsi que le mobilier et la décoration Art nouveau. Je me trouve en présence d'un important morceau restauré du patrimoine architectural bruxellois. J'y retrouve l'ambiance si particulière des maisons de Sherbeek, que j'avais découvert en visitant celle de Magritte en 2008. Elle me rappelle aussi la maison d'Anne Franck à Amsterdam. Peu d'espace, mais de nombreux étages, un petit jardin à l'arrière, et le charme désuet de cette époque révolue. Je sors de là sans avoir vu le concert, car une foule nombreuse s'est pressée dans la pièce où le piano est installé. Heureusement la musique s'est propagée dans le bâtiment tout entier. Le quartier est peuplé d'habitants d'origine turque, et il y a peu de mixité sociale. J'achète de quoi dîner, puis rentre à l'hôtel en espérant que la marche n'aura pas trop usé mes muscles et mes articulations. Il faut dire que j'ai encore 80 km à faire le lendemain et 140 km samedi. (écrit le: 2019-11-24) catégorie: voyages - année: 2018
date: vendredi 26/10/2018 (42 ans) lieu: Bruxelles
J'ai à peine réussi à faire sécher mes vêtements. Ils ont été lavés dans le lavabo de la petite salle de bain, avec le savon liquide fourni par l'hôtel dans un tube accroché au mur. Il faut dire que j'ai pris le strict nécessaire en terme d'équipements, afin de ne pas alourdir mon vélo. Je descends le récupérer après le "check-out" de l'Ibis. Un dernier tour en deux roues dans les rues si agréables de Bruxelles, puis je rejoins le canal direction Anderlecht. Celui-ci m'amène tout naturellement à Lot, Hal, puis le joli centre-ville de Tubize. J'ai accroché un téléphone portable équipé d'une radio au guidon de mon vélo de randonnée. Je roule en écoutant RTBF la 1ère. On y découvre des émissions qui ressemblent étrangement à celles diffusées par France Inter (cette station diffuse d'ailleurs "Sur les épaules de Darwin", qui vient de la chaîne française). Les kilomètres s'enchaînent et je ne ressens pas de fatigue particulière, juste des douleurs au dos, aux fesses et au cou. L'automne est déjà bien installé, et le voyage aurait été plus agréable en septembre, mais j'arrive à me consoler en pensant à la trop forte chaleur de l'été dernier. Les paysages, devenus familiers, s'offrent à mon regard contemplatif. Les jambes travaillent, la tête se libère. J'arrive à "Ma Campagne", puis Salmonsart, Soignies et Mons. Je reste concentré sur mon objectif, celui d'arriver en France sans avoir trop entamé mon capital énergie. Quand j'ai trop faim, j'ouvre un sac de congélation rempli d'un mélange de graines (cajou, noisettes, courge, raisins secs,...). C'est mieux que de se gaver de barres au chocolat et surtout, c'est plein de vitamines. J'arrive à Asquilles, puis Bettignies. Mes souvenirs de la visite de Bruxelles se bousculent dans mon crâne alors que je rejoins enfin Maubeuge. Il est encore tôt, je décide de me reposer un peu après avoir pris une douche. Je prends le temps de visiter le centre-ville en passant par le musée du Corps de Garde. Avant sa fermeture, je m'arrête dans une supérette afin de choisir mon repas du soir, un sandwich et une part de flan. (écrit le: 2019-11-24) catégorie: voyages - année: 2018
date: samedi 27/10/2018 (42 ans) lieu: Maroilles
Les kilomètres s'accumulent dans mes jambes et j'arrive péniblement à me lever pour ce cinquième jour de voyage. Il est déjà 8h quand je décide d'aller prendre le petit déjeuner. La bruine s'est transformée en pluie, et le froid commence à se faire plus mordant. Équipé de mon imperméable, je me lance pour cette dernière journée avec peu d'entrain. Ma mère me contacte et me convainc d'aller me rejoindre à Maroilles pour m'emmener à ma voiture garée à Noyon. J'arrive à Haumont, puis Aulnoy-Aymeries. Assez rapidement, j'atteins les basses Noyelles. Puis, vers 12h, je m'arrête à Maroilles dans un restaurant qui sert les fameuses "flamiches", il s'appelle "Les Caves de l'Abbaye". Ma mère me rejoins vers 13h, alors que j'ai bu une bière et que je suis assis bien confortablement à la table située près de la porte d'entrée. Après un repas très copieux, nous partons en direction de Baboeuf. C'est là que se trouve le jardin des Monterelles. C'est le dernier jour d'ouverture avant l'hivernage de cet espace dédié à la nature. On y trouve des plantes et des arbres remarquables. Au bout d'un chemin de terre, l'entrée du parking se découvre enfin. Mais nous arrivons trop tard, et la porte reste fermée. Finalement, nous allons chercher ma voiture à Noyon. Ma mère m'invite ensuite à passer la nuit du samedi au dimanche à Eméville. Je calcule la distance parcourue, environ 330 km, sur les 440 prévus au départ. J'ai l'impression d'en savoir un peu plus à l'arrivée sur cette région. Je repense aux salariés de l'aciérie de St Saulve, qui se battaient pour ne pas perdre leur emploi. Aux centaines de milliers de gens qui se sentent abandonnés, inutiles. Aux conséquences que cet état d'esprit pourrait avoir sur notre société. Aux gilets jaunes qui se réunissaient sur les ronds-points... (écrit le: 2019-11-24) catégorie: voyages - année: 2018
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