date: jeudi 20/02/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Mon père a invité un de ses amis. Patrice Hugues est artiste textile et écrivain. Le livre qu'il vient de publier s'appelle "Tissu et Travail de Civilisation" aux éditions Médianes. Les signatures se déroulent dans une petite librairie, le "Quai des Brumes", 35 quai des Bateliers. Peu de clients se bousculerons pour obtenir une dédicace, mais il y aura quand même de belles rencontres. La suite se passe dans l'atmosphère feutrée de notre appartement où mon père a invité des amis, ses collègues et d'autres personnes, à admirer le travail de l'artiste. Notre salon est transformé en salle d'exposition. L'accrochage des oeuvres s'est fait au centimètre près sur les murs peints de crépis blancs de la pièce principale. Les textures, les couleurs et la finesse des tissus nous éblouissent. Une vidéo passe sur le téléviseur. J'ai passé un quart d'heure à expliquer à Patrice les différents réglages possibles sur le magnétoscope. Il veut me poser des questions, sur ma vie, sur ce que je pense de l'état du Monde. Je décline. Au fond de moi je n'ai rien à dire, j'estime que mon avis importe peu. (écrit le: 2012-05-30) catégorie: expositions - année: 1997
date: lundi 10/03/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Je me déplace quasiment exclusivement en vélo dans Strasbourg. C'est le moyen le plus rapide pour atteindre une destination en centre-ville. Aucun ticket de stationnement, aucun garage à payer pour entretenir mon véhicule, aucun carburant à verser dans le réservoir. La liberté. La plupart des étudiants sont arrivés à la même conclusion que moi. Les supports installés par la ville pour accrocher ses bicyclettes sont donc remplis plus que de raison. Il n'y a souvent aucune place, il faut donc trouver une rambarde ou un poteau signalétique pour poser le vélo et fixer l'antivol. Ce jour là, j'avais un cours à l'ESIG, rue du 22 Novembre. C'est à côté d'un autre vélo que j'ai mis le mien, et le câble qui bloque mon cadre sur le tube métallique est un peu serré. Quelques heures passent, et ma prof de français déboule dans la salle de classe. Elle est visiblement paniquée. Cette jeune femme donne des cours pour financer ses études. De taille moyenne, assez jolie, j'aime la regarder quand elle ne fait pas attention. Mais elle est tellement farouche et stressée qu'il ne vaut mieux pas s'y frotter. Elle est furieuse. Son vélo est coincé. "Qui a un vélo orange ?". Je me sens visé, c'est de moi qu'il s'agit. J'ai trop forcé lorsque j'ai posé mon VTC. Une pédale est enfoncée dans ses rayons. Je descends de l'immeuble pour l'aider à décoincer son destrier. Elle fait la tête. Pas "merci", pas "au revoir". Elle s'en va et j'en profite pour admirer sa chevelure alors qu'elle fonce vers la fac de lettres. (écrit le: 2016-09-11) catégorie: scolarité - année: 1997
date: samedi 29/03/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Le congrès national du FN a lieu à Strasbourg, contre l'avis du Maire. Il faut bien que les habitants disent "non" d'une manière ou d'une autre. Un grand nombre de strasbourgeois se retrouvent donc place de l'Etoile pour marcher dans la ville et s'opposer à l'idéologie haineuse du "Front". Environ 60 000 personnes ont fait le trajet, pacifiquement, jusqu'à la Mairie. J'y ai croisé, entre autres, Catherine Trautmann, Rodolphe Burger. Je crois que Jospin s'est fait un peu chahuter. D'une manière générale, les organisateurs de la manifestation se méfiaient des récupérations politiques. Il faut dire que les législatives approchaient à grand pas. La veille, c'était vendredi saint (férié en Alsace). Nous passons dans le quartier juif, on nous encourage depuis les balcons. Les magasins sont fermés. Quelques personnes un peu excitées vont essayer de s'approcher du palais des congrès, mais les CRS bloquaient le passage avec des lacrymo. A l'époque, ce parti était dirigé par Jean-Marie Le Pen, et Bruno Mégret était son bras droit. Je me suis demandé pourquoi les frontistes s'étaient donné rendez-vous en Alsace. Il faut dire que la droite extrême a un certain echo dans les campagnes alsaciennes (25% aux présidentielles), mais pas dans sa capitale. Strasbourg. Cette ville française, mais surtout un symbole, ne sera pas le fer de lance des simplifications populistes qui nous ont conduit à la guerre. Il était aussi important de rappeler le caractère européen et progressiste de cette ville à ceux qui en doutaient. Sur ce point là, cette journée a été une réussite. (écrit le: 2012-04-22) catégorie: politique - année: 1997
date: lundi 31/03/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
J'ai des rapports à taper pour mes études. Il faut bien que j'écrive les comptes-rendus de mes stages, et que je rédige mon dossier mémoire si je veux avoir mon BTS. Pour me dépanner, mon père me donne son ordinateur portable Macintosh acheté en 1992, car il ne s'en sert plus. Il s'agit du tout premier ordinateur portable d'Apple. Il est petit, léger, et passe pour être très facile à utiliser. Premier écueil, la batterie au plomb n'est plus fonctionnelle, il faut donc que je laisse l'ordi branché à une prise, adieu la portabilité. Ces batteries devaient rester un peu chargées, mais jamais complètement déchargées sinon il n'était plus possible de les utiliser. Petit désagrément supplémentaire: la fiche métallique qui sert à l'alimenter en électricité ne rentre plus en contact avec la prise à l'intérieur de la machine. En fait, la soudure du circuit imprimé s'est fissurée, mais je ne le sais pas encore. Seule solution pour utiliser cet ordi: poser un objet très lourd sur le câble relié au transformateur pour que le contact électrique se fasse. Quel objet lourd est-ce que j'utilise ? Mon père a pensé à tout: il me prête son marteau de géologue, un outil très pratique pour casser des pierres, un peu moins pour garantir le fonctionnement de mon matériel informatique. Le moindre faux mouvement arrête la machine, car la batterie ne contient aucune réserve d'énergie. Ce Powerbook 100 est cependant, quand il marche, un outil d'une redoutable efficacité. L'écran, noir & blanc, est très clair. Le « trackball » situé en dessous de la barre d'espace est pratique, sans être vraiment optimal. J'avais déjà testé les PC à ce moment là, et je dois avouer que les Mac sont intuitifs et remarquablement bien conçus. Des sons plus ou moins caverneux sortaient du petit haut-parleur: parfois ces sons étaient tellement dramatiques qu'on pouvait deviner qu'un gros problème était arrivé ! J'ai quand même réussi à écrire des documents assez longs, au prix d'une sauvegarde régulière. Il faut dire que lorsqu'on perd le texte qu'on a pas pensé à sauvegardé, suite à un faux mouvement sur le fil électrique, c'est rageant. Le deuxième effet inattendu de ce défaut, c'est que lorsqu'on ré-écrit le texte qu'on a perdu, on l'écrit mieux qu'avant! Génial non ? Vu le temps qu'on perd à tout retaper au clavier, c'est la moindre des récompenses! Last but not least, le format des disquettes, illisible sur PC, m'empêche d'aller imprimer les documents n'importe où. De plus, à cette époque, je n'avais pas encore « Word » pour Mac, j'ai donc pour obligation de faire une conversion peu pratique des documents que j'écris (dans un format exotique du nom de mon logiciel: « Ragtime »). Par contre, contrairement à aujourd'hui, je n'avais aucun problème de place sur le disque dur (de 20 Mo seulement), il faut dire qu'on ne pouvait remplir ce disque qu'avec le contenu qu'on pouvait créer soi-même: principalement des longs textes et des feuilles de calcul, ou ce qu'on pouvait transporter sur une disquette de 1.44Mo... (écrit le: 2012-03-26) catégorie: informatique - année: 1997
date: lundi 09/06/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Le théâtre dans lequel je fais mon stage monte une pièce adaptée d'un texte de Milan Begovic. Le projet voit le jour au Palais des Fêtes dans véritable capharnaüm, mais Pierre semble être comme un poisson dans l'eau. Les spectateurs doivent suivre les acteurs à lintérieur du théâtre. Pour une scène qui est jouée dans le café situé à l'étage, on sert des expresso aux spectateurs qui ont réussi à s'assoir à une table du bistrot ! Tout est financé par lÉtat et les collectivités territoriales. De ce joyeux bordel, je retiens l'énergie de certains acteurs et actrices, principalement d'origine serbe. Ce monde reste cependant étranger à mon système de pensée. J'arrive à peine à comprendre ce que font les techniciens pour les lumières et les effets sonores, alors le jeu des acteurs... Comme je suis à la caisse, j'apprends les bases du métier. Je m'occupe aussi un peu de servir les boissons, mais je ne suis pas très doué et je finis par renverser du champagne sur une VIP. Un soir, je rencontre Esther, une ancienne camarade du lycée. Elle passe devant le théâtre après le début de la pièce, elle est juive et vit dans le quartier. Elle ne veut pas entrer voir. Je me dis, tant pis pour elle. (écrit le: 2011-08-12) catégorie: théâtre - année: 1997
date: jeudi 10/07/1997 (21 ans) lieu: Taverny
Cédric veut s'acheter une Nintendo 64 grâce à l'argent que sa grand-tante Edwige lui a donné. Cette dame vit en Allemagne, elle est veuve et elle a beaucoup d'argent. Cédric ne peut pas échanger ses deutschmarks contre des francs, car les frais de change sont trop élevés. Il va me confier l'argent pour que j'aille acheter une console de jeu en Allemagne. Je vais aller m'acquitter de ma tâche à Kehl. Il faut dire que le trajet n'est pas très long pour moi, depuis Strasbourg, à peine 20 minutes. En plus, le trajet en train est gratuit, suite à un accord entre les deux villes. J'arrive dans le centre, et je marche jusqu'à la boutique de jeux vidéo. Je demande s'ils parlent français, "Sprechen Sie französich ?". Évidemment que non. "Ich möchte die neue Nintendo vier und sechsich zu kaufen". Ouf, ils ont compris. Je prend aussi des manettes de différentes couleur, vert et rouge, et le jeu Mario Kart 64. Je paye, quelque chose comme 300 ou 350 Marks, je ne me souviens plus. La console n'est pas encore sortie en France. Je prend ensuite le train pour Paris, avec un paquet assez volumineux. J'arrive donc chez Cédric avec cette machine en avant-première. Il vit dans la maison que sa mère lui a laissé à Taverny. Loris et de nombreux amis à eux sont présents pour l'occasion. On va jouer à Mario Kart 64 pendant quelques heures, en se passant les manettes à tour de rôle. (écrit le: 2013-12-15) catégorie: jeux vidéo - année: 1997
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date: lundi 01/09/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Je ne pouvais pas faire les deux ans de mon BTS en stage dans la même entreprise. Je vais donc devoir à nouveau chercher des opportunités. Une des employées de l'OGACA, le cabinet comptable avec lequel travaillait le Théâtre où j'avais fait mon précédent stage, connait une personne qui cherche un stagiaire. Thierry MEYER est le comptable du "Kafteur". Il s'agit d'un café-théâtre situé à côté de la gare de Strasbourg. J'ai rendez-vous avec lui à l'entrée de la salle de spectacle, là où se trouve la caisse. Il m'explique l'histoire de cette association, née quelques années plus tôt, au "Café des Anges", près de la rue de Zurich. Ils ont ensuite racheté une petite salle pour produire des spectacles. Je suis engagé en tant qu'aide-comptable, avec une indemnité de 1800 francs par mois. Je m'occupe de la caisse certains soirs. Mon boulot consiste surtout à vérifier que les comptes sont justes. Le contexte dans lequel j'arrive est assez tendu: l'association a organisé un festival de spectacles d'humour quelques mois auparavant. Les places se sont bien vendues, mais le coût de l'opération a fragilisé les comptes. Les recettes ne couvraient pas les dépenses. Tous les voyants sont dans le rouge. Il faut serrer les boulons, et essayer de tenir le coup financièrement. Je me souviens être allé dans une boutique d'à coté pour faire des photocopies de documents administratifs. J'avais photocopié deux feuilles blanches, que j'avais jeté. La facture de la boutique ne collait pas avec le nombre de photocopies que j'avais effectué. j'ai eu droit à un petit cours sur le gaspillage de la part de la secrétaire. Thierry me terrifiait un peu. Il arrivait en fin de journée, après avoir travaillé dans son entreprise qui gérait des employés en Intérim. Il garait sa moto, arrivait avec son casque et son air maussade pour vérifier la trésorerie. Jean-Luc est l'âme de cette bande de copains. Il est acteur et se produit dans le rôle du Capitaine Sprütz. Nathalie occupe le poste dans lequel je vais devoir la remplacer pendant son arrêt maternité. Il se dégage de cet endroit une bonne humeur qui rayonne chez tous les membres de l'association. Leur enthousiasme était vraiment communicatif... (écrit le: 2013-12-15) catégorie: stages - année: 1997
date: samedi 27/09/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Un film muet, en noir et blanc, ça n'est pas très engageant. Mais, il s'agissait de Metropolis. Un des films de science-fiction les plus impressionnants de l'histoire du cinéma, réalisé 70 ans plus tôt par Fritz Lang, et que j'allais redécouvrir ce soir-là. Je profite d'une invitation que mon père m'a donné pour aller voir ce film avec une orchestration inédite, au Palais de la Musique et des Congrès. Le film est projeté dans le cadre du festival Musica à Strasbourg. Alors qu'un écran est suspendu au dessus des musiciens, c'est l'Ensemble Avanti!, dirigée par Ernest Martinez-Izquierdo qui est à la manoeuvre. La musique est composée par Martin Matalon. J'arrive dans la salle de concert. Alors que je lis le programme, je reconnais un des techniciens au fond de la salle. Je le salue, car il travaille un peu pour le Kaf'teur, le café-théâtre dans lequel je fais mon stage. Puis le spectacle commence. Ouf, le film est sous-titré. Je ne sais pas si j'aurai réussi à tout comprendre en allemand. Imaginez la puissance des caisses et des cymbales dans les scène où Fritz Lang montre cette immense machine industrielle en action. Ou encore les violons et la flûte traversière quand le héros essaye d'échapper à ses poursuivants. La musique est clairement influencée par Pierre Boulez. Même si le film est assez long, je n'ai pas senti le temps passer. J'étais chez moi un peu avant minuit, après avoir vu un spectacle musical de très grande qualité. En tout cas, c'est une expérience qu'on n'oublie pas. (écrit le: 2012-12-23) catégorie: cinéma - année: 1997
date: mercredi 15/10/1997 (21 ans) lieu: Strasbourg
Depuis plus de cinq ans, je me bats contre les verrues plantaires qui couvrent mes mains. Impossible de s'en débarrasser. Je les coupais aux ciseaux régulièrement quand elles dépassaient un peu trop. Ma mère m'avait amené voir un dermatologue en 1992. Ce médecin détestait faire mal. Il les avait brûlées à l'azote liquide, mais ça n'avait pas résolu le problème. Cette fois, je décide d'aller voir un médecin sur la place de lÉtoile. Je me débarrasserai de ces saloperies coûte que coûte. Ce médecin est très sympathique. Il commence par m'expliquer ce qu'est une verrue. C'est très compliqué, je n'ai rien compris. Par contre, il m'a dit une chose que j'ai retenue: "vous manquez de magnésium". C'est la première fois que j'apprends la relation entre les verrues et le manque de sels minéraux... Il me prescrit des ampoules de Mag2, une sorte de cure. Je vais prendre ces ampoules matin, midi et soir pendant quinze jours. Deux semaines de bonheur... Je me rends compte que je vais mieux, je ne suis plus stressé, je dors bien,... Je ne suis plus angoissé, mes spasmes gastriques s'arrêtent. En fait, mon manque de magnésium est chronique, mais je ne le comprends que quelques semaines après avoir fini mes ampoules. Mes verrues sont toujours là, mais c'est le cadet de mes soucis. Tout ce qui s'était arrangé chez moi redevient comme avant. J'ai même des tremblements quand j'écris et que je suis sous pression. Il me faut du magnésium, sous n'importe quelle forme, c'est une question de qualité de vie, tout simplement. Par manque de temps, je met de côté ce problème, avec l'idée de le résoudre une fois mon BTS en poche. (écrit le: 2013-08-13) catégorie: santé - année: 1997
date: jeudi 25/12/1997 (22 ans) lieu: Strasbourg
Thierry, le comptable de l'association a deux véhicules de l'Allemagne de l'Est de marque Trabant. Il ne sait jamais où les garer, et les laisse souvent dans la rue. Ce n'est pas vraiment une bonne méthode car les voitures qui semblent abandonnées sont automatiquement mise en fourrière. Jean-Luc lui propose de garder une des deux voitures dans son garage, mais il faut la déplacer en la tractant, car le moteur ne démarre plus. Je vais conduire ce véhicule pendant que Thierry va le tracter, il suffit de freiner et de tourner le volant. Après avoir rempli mon devoir, il me raccompagnera, et je suis encore une fois seul, mais je n'ai rien prévu pour le réveillon. Je vais me préparer un repas, avec un sachet de saumon fumé et d'autres victuailles que quelqu'un avait oublié dans un sac de course dans le parking souterrain. Mon plat sera un peu raté, même si les ingrédients étaient frais, j'ai mis trop de sel. J'ai encore du mal à me faire la cuisine. (écrit le: 2011-09-02) catégorie: stages - année: 1997
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