Le Pouvoir


Qu'est-ce que le Pouvoir et comment s'exerce-t-il ?

Commençons par le définir : si vous avez le pouvoir de faire quelque chose, c'est que rien ne vous en empêche. On ne peut cependant pas contourner certaines lois comme la gravité par exemple ! Dans le langage courant, le Pouvoir désigne souvent les instances dirigeantes d'un organisme, et plus particulièrement d'un pays. Les rapports de Pouvoir deviennent complexes dès qu'ils concernent des sociétés humaines de grande taille.

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Attention à ne pas confondre le Pouvoir et l'Autorité. Exercer son autorité implique d'utiliser la force, de l'argent ou son charisme par exemple. Le Pouvoir est une question de place de l'individu dans une structure. Dans un monde parfait, il a une base légitime et les hommes qui le détiennent sont ceux qui le méritent le plus. Nous verrons plus loin que ce n'est évidemment pas toujours le cas.

La volonté et le consentement de l'individu sur lequel un Pouvoir est exercé sont nécessaires mais pas indispensables pour lui imposer nos demandes. Si vous avez un animal de compagnie, vous savez de quoi je parle ! Quand on parle du Pouvoir qu'a une personne sur une autre, l'image du marionnettiste qui donne vie à une poupée nous vient à l'esprit. En fait, ce sont des liens bien moins concrets que des fils de coton qui relient les hommes.

Dans une démocratie, les pouvoirs sont séparés. On peut distinguer les détenteurs du Pouvoir législatif (ceux qui écrivent les lois), exécutif (ceux qui gèrent les affaires de l'Etat) et judiciaire (ceux qui appliquent les règles). Leur séparation est une manière d'éviter les conflits d'intérêts. On parle souvent d'un quatrième : celui des journalistes. Certains ont même désigné Internet comme le cinquième Pouvoir. 

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On peut donc se demander ce qu'est le « Pouvoir du peuple ». Un simple rapport de force ou une contrainte choisie comme un moindre mal. La démocratie est à cheval entre ces deux interprétations. Il faut reconnaitre que les citoyens commencent à se désintéresser de la chose publique. La faute à qui ? Les politiciens admettent qu'ils ne disposent que d'un Pouvoir limité. Ce désintérêt serait-il également une conséquence des travers de la communication utilisée par les hommes politiques, le débat politique étant devenu un spectacle?

Pouvoir illimité ! Cette phrase pourrait sortir de la bouche d'un tyran… et pourtant c'est le titre d'un livre sur la programmation neuro-linguistique (P.N.L.). C'est à se demander le rôle de cette pratique de contrôle du langage dans le monde actuel.

Même si elle existe surtout dans le cadre de l'entreprise ou de la politique, la P.N.L. commence à avoir de l'influence sur notre manière de vivre les uns avec les autres. On peut se rendre compte de l'efficacité de ces méthodes dans les « éléments de langage » que les hommes politiques utilisent régulièrement. Ces techniques consistent également à enlever les éléments « parasites » du discours. Lorsqu'un homme politique ne dit jamais « euh », « bon, alors » ou « oui, mais », vous pouvez être sûr qu'il est initié à ce genre de pratiques. Elles ont véritablement pris un essor ces dernières années en France après avoir fait leurs preuves aux Etats-Unis.

Concrètement, il s'agit de « vendre » une idée à une personne ou une catégorie de personnes grâce à des termes qui facilitent l'acceptation. En bon vendeur de voitures, les petits génies du marketing s'intéressent à notre manière de répondre aux sollicitations. Nous sommes en effet plus sensibles à certains arguments qu'à d'autres (c'est du moins le postulat de ce mode de contrôle du langage). Certains avocats peuvent trouver des astuces pour sauver leurs clients, les spécialistes en communication font de même pour des projets de loi. Par exemple, on dit que les femmes ne doivent pas payer à elle seules le prix d'une réforme. C'est une manière de dénoncer une injustice et d'inciter une catégorie de la population à se mobiliser. On nous a dit aussi que les français ne devraient pas payer plus de la moitié de leurs revenus en impôts. Notons que seuls 18674 français bénéficient du bouclier fiscal, soit moins de 3 français sur 10 000. La méprise vient du terme « français » qui désigne 64 millions de personnes.

Difficile de contrer ce genre d'arguments rapidement en une phrase, et on sait que le temps est précieux dans les médias. Il suffit souvent de pointer le doigt sur une contradiction de son adversaire mais sans lui démontrer qu'on a véritablement raison pour prendre l'avantage dans un débat. Les confrontations directes deviennent rares entre représentants de la gauche et de la droite. C'est donc aussi une manière de gagner des voix à une élection, et donc d'accéder au Pouvoir en s'adressant aux électeurs.

Un des nombreux livres de développement personnel

Est-il fréquent de maquiller la vérité lorsqu'on a des responsabilités ? Une étude de sociologie menée aux Etats-Unis par les Dr Lammers et Galinsky a amené des conclusions inattendues sur le rôle du pouvoir dans la moralité. Ces deux scientifiques ont mené une expérience in vivo sur leurs contemporains.

 

Deux groupes ont été formés : ceux qui pensent avoir du pouvoir et les autres. Ils ont étudié ces deux groupes en leur faisant d'abord répondre à une question "test". Il s'agissait de noter sur une échelle de moralité le fait de tricher dans le remboursement de ses dépenses professionnelles. L'échelle allait de 1 (acceptable) à 10 (très immoral). Puis chacun des membres des deux groupes a joué seul à un jeu de dés, où ils pouvaient gagner des tickets de loterie. Détail important : les chiffres sur lesquels tombaient les dés étaient notés par les participants eux-mêmes.

Le résultat était le suivant: Le groupe ayant peu de pouvoir n'a pas jugé sévèrement les tricheurs aux frais professionnels. Le groupe dans lequel les gens avaient du pouvoir a jugé très immoral le fait de se faire trop rembourser ses dépenses professionnelles. Cependant ils ont gagné beaucoup plus de tickets de loterie que les autres au jeu de dés ! Comment peut-on condamner un comportement immoral et dans le même temps tricher à un jeu ? Les scientifiques en ont déduit que le pouvoir peut corrompre car il conduit à une forme d'hypocrisie morale.

 

Pour être plus précis, les personnes qui ont du pouvoir pensent généralement qu'il est mal d'enfreindre les règles, mais font une exception pour eux. Conduire en dépassant la vitesse autorisée ? C'est mal. Mais si je dois arriver à l'heure pour une raison professionnelle, alors c'est acceptable. Ils pensent en effet qu'ils ont des choses importantes à faire. D'où vient ce sentiment d'impunité ? Le Jeu de l' « ultimatum » nous donne des pistes pour le comprendre.

Les règles de ce Jeu : 2 personnes se rencontrent, l'une d'elles reçoit 10€ en pièces de 1€ à partager. Cette personne doit annoncer à l'autre combien elle va lui donner. Celui qui reçoit une part des 10€ peut soit accepter, soit refuser la proposition, mais dans ce deuxième cas la transaction est annulée et aucun des deux ne part avec l'argent.

Le choix le plus rationnel pour celui qui propose devrait être de tendre 1€ à celui qui reçoit : le receveur accepte, après tout 1€ c'est mieux que rien. Cependant, l'expérience a permis de voir que la moyenne de la proposition est aux alentours de 4€. En effet, le « proposeur » anticipe une réaction négative de l'autre participant. La raison est simple, ces deux personnes se rencontrent en face à face, et un refus entraînera une absence de récompense. Ce résultat est très différent si l'échange a lieu de manière impersonnelle, par ordinateur interposé, où la moyenne de la proposition est alors de 1€.

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Les personnes qui ont du Pouvoir n'ont pas souvent l'occasion de se confronter à ceux qui peuvent souffrir de leurs choix, aussi immorales soient ces décisions. Ils ont tendance à s'isoler des autres et à vivre dans des communautés où ils ne vont rencontrer que des personnes qui sont dans la même situation qu'eux. C'est peut-être la raison pour laquelle il entraîne une disparition partielle de l'empathie. On peut alors parler d'abus de Pouvoir. Trois discours cohabitent dans l'esprit de ces hommes et femmes : « Vous n'aimeriez pas être à ma place » pensent-ils. Il est vrai que le stress lié aux responsabilités n'est pas toujours facile à vivre. « Les avantages liés à ma fonction sont justifiés par le travail que je fais. » pourraient-ils affirmer. Ils pensent que le mérite de la situation est lié à ses actions, mais oublient les facteurs de chance ou d'éducation. « Personne d'autre ne pourrait faire ce que je fais, tout dépend de moi » pourrait-on enfin entendre dans leur bouche. C'est l'idée la plus discutable des trois. Les tâches effectuées sont souvent très complexes, et un maximum de connaissances sur la structure qu'ils dirigent est nécessaire. Cependant, il est possible qu'une autre personne puisse arriver au même résultat, ou que le travail puisse être partagé.

Les hommes se montrent parfois sous un nouveau jour quand ils atteignent de hautes responsabilités. Le Pouvoir peut nous changer : il fait souvent ressortir tous nos défauts. Les personnes qui aspirent à des postes élevés doivent souvent louvoyer, comme le rappelait La Fontaine dans « La cour du Lion » :

(…) Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,
Que sens-tu ? Dis-le-moi : parle sans déguiser.
L'autre aussitôt de s'excuser,
Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
Sans odorat ; bref, il s'en tire.
Ceci vous sert d'enseignement :
Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère,
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.

 


mis à jour le 16/02/2024 à 23h42