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25/08/2014 à 14h38
Où s'asseoir dans le métro ?

OÙ LES GENS S’ASSOIENT-ILS DANS LE MÉTRO PARISIEN?



Au hasard, me répondrez-vous ? Erreur ! Les gens pensent qu'ils ne font pas vraiment de choix, alors qu'ils n'arrêtent pas d'en faire. Mettez-vous à leur place (assise)... Essayons ensemble de découvrir les choix conscients ou inconscients qui nous poussent à prendre un siège plutôt qu'un autre. Pour cela, je mets mon costume d'avocat du diable, et m'en vais vous décrire ce monde impitoyable, avec humour (j'espère).


Vous pouvez déjà choisir une rame qui s'arrêtera proche de la sortie dans la station où vous vous arrêtez: hé oui, il y a une application pour ça aussi « Paris ci la sortie ».


Quand vous entrez dans la rame, l'objectif est de trouver une place assise, pour ne pas être balloté dans tous les sens par le métro dès qu'il va démarrer. Pas question de rester debout*, sauf si votre trajet est court (1 ou 2 stations) ou que vous avez trop de bagages. Dans le bus, la nécessité de s’asseoir est encore plus marquée, à cause des virages violents, mais c’est un autre sujet…concentrons-nous sur les transports en sous terrain !


Ensuite, il faudra trouver une place pas trop loin de la sortie, pour ne pas être gêné quand on a atteint sa destination. On ne choisira pas les strapontins, à moins de vouloir être « sur la sellette ». On comprend que ce siège temporaire n'est pas un bon calcul, car il va falloir se lever dès que la rame sera trop remplie. Bien sûr, il faut éviter les quatre places réservées aux « mutilés de guerre », « aveugles civils », « femmes enceintes », « personnes âgées de 75 ans et plus ». Cependant, j'avoue n'avoir jamais vu ces personnes réclamer une des quatre places. D’une manière générale, il faut laisser la place à toute personne qui aurait des difficultés à rester debout. Ce sont des règles de bases sur lesquelles tout le monde sera d’accord. Mais après ?


Correspondance pour la ligne des vêtements froissés


Commençons par la rame classique: celle des anciens métros. Imaginons que vous entrez dedans par le milieu de la rame, et que vous êtes le premier. Vous allez prioritairement dans un des blocs de quatre, et dans le sens de la marche. C'est tout ? Non. Bien sûr, vous choisissez une place qui n'est pas à côté de la fenêtre, pour sortir plus rapidement. Évidemment, c'est un choix égoïste, et les suivants devrons vous enjamber pour aller s'asseoir... mais sous terre, il n'y a pas grand chose à voir** par la fenêtre de toutes façons, à part des publicités. Voici donc, dans l'ordre, le degré de « désirabilité » des 8 places préférées:


Imaginons ensuite que vous ne faites pas partie des premiers arrivés, toutes les places « premium » sont prises. Où allez-vous ? Là c’est plus compliqué ! D'abord, dans le sens inverse à la marche, puis contre la fenêtre, sauf si la personne assise en face de vous à de grandes jambes (ou de nombreux bagages). Enfin on choisit les strapontins, mais pas ceux qui sont juste à côté de la sortie, car cela vous obligerait à vous lever à chaque fois que la foule se presse pour sortir, puis rentrer (si possible dans cet ordre) dans la rame.


On sort la godille dans la rame


Dans les nouveaux métros automatiques ou le métro 1, il n'y a plus de séparation entre les rames. C'est utile pour chercher une place assise dans l'intégralité du train, ou remonter vers les portes qui sont proches de la sortie de la station dans laquelle on s'arrête. Comme il n’y a pas de conducteur sur le Métro 14, des places se libèrent aussi à l’avant et à l’arrière du train, ce qui permet d’admirer... le tunnel. De plus, certains blocs de six sièges sont orientés face-à-face, trois par trois, perpendiculairement à la marche. Ce n'est pas très pratique quand il y a des accélérations ou des freinages puissants. C’est aussi le genre de configuration qu’on voit dans le « tube » à Londres. Enfin, il y a aussi des places « classiques » dont la configuration est asymétrique : 4 places d’un côté et 2 places de l’autre. Voilà pour les différences avec les anciennes rames. Ceci étant dit, il y a toujours un ordre de « préferabilité » des places.



Afflux de bonbons au bout du corridor


Comme on peut aller partout, on cherche d'abord une place qui ne nous obligera pas à trop marcher. Ensuite, on évite toujours les strapontins, et on cherche des places à côté desquelles ne se trouvent personne. Le côté de la rame sur lequel il n’y a qu’une place au lieu de deux côte à côte est très prisé pour cette raison. C'est extrêmement important, comment sans cela pourriez-vous jouer à Candy Crush sans que votre voisin ne regarde par dessus votre épaule?
Dans le bloc de trois places alignées, on choisit une de celles qui sont proches de la sortie. Les « suivants » prennent les places les plus éloignées de la sortie, pour ne pas être trop près de celui qui vient de s'asseoir. Si les parisiens ne partagent pas facilement leur banquette avec un étranger, la raison n'est pas à chercher dans leur misanthropie, ou dans leur côté grincheux ! Il existe tout simplement des règles qui définissent la distance qu'on doit garder avec un inconnu. La sphère « intime » se situe entre 0 et 45cm, la sphère « amicale » entre 45cm et 1,20m et la sphère « sociale » commence à partir de 1,20m. A moins d'y être obligé (car c'est la seule place disponible) on ne s’assoit pas à moins de 45cm de quelqu'un, car cela signifierait que l'on souhaite nouer une relation intime avec cette personne. Ces trois sièges sont vraiment collés les uns aux autres, si bien que le moindre embonpoint fait déborder les fesses du passager sur les places adjacentes. C’est aussi un critère de choix, on ne va pas s’asseoir à côté d'une personne un peu trop adipeuse !


Quand toutes les autres places sont prises, il reste encore une fois les strapontins, du moment que la rame n'est pas trop remplie ! En dernier ressort, les autres passagers restent debout.




L'étiquette est collée derrière le fauteuil

Mais au fait, existe-t-il des règles décrivant précisément où on doit poser ses fesses en fonction de son âge, sa position sociale ou culturelle ? Oui, ces règles de politesse existent dans une nation qui les a érigées en système: le pays du Soleil Levant. Où doit-on s'asseoir dans une pièce au Japon ? Les règles sont définies précisément: commençons par la hiérarchie. Les plus âgés sont prioritaires par rapport aux plus jeunes, puis en cas d'égalité, les femmes par rapport aux hommes. Les invités ont priorité sur tout: on se met en quatre pour les satisfaire, il n'est donc pas rare de leur céder la meilleure place. Mais quelle est-elle cette meilleure place ? Elle se situe le plus loin de l'entrée, mais permet de voir aisément qui entre et sort de la pièce. Plus on s'approche de l'entrée, moins on est prioritaire.


Enfin dans les transports publics japonais, il faut savoir que certaines rames de métro sont réservées aux femmes, et d'autres sont interdites aux utilisateurs de téléphones portables (pacemakers oblige) ! Une série de règles comme celles-là seraient sans doute inapplicable en France, à moins d'ajouter des panneaux explicatifs un peu partout. Il faudrait aussi affronter des collectifs en tout genres et perdre un temps fou en négociations, ce qui viderait complètement les consignes de leur substance, voire qui retournerait le texte de son objectif de départ (toute ressemblance avec des faits ayants eu lieu récemment ne sont pas fortuits).




Trafic normal pour « Rue de la Pompe »
*: Et moi, où ai-je l'habitude de poser mes fesses ? Réponse: Je ne m’assois jamais. Pourquoi ? Pour éviter d'avoir à juger à chaque arrêt si je dois laisser ma place, faire semblant de dormir ou regarder mes pieds ou le plafond fixement. Pour ne pas me demander si la femme qui me regarde avec avidité est enceinte (ou simplement en surpoids), si cette personne qui a des cheveux blancs veut s'asseoir, ou va s'offusquer dès qu'on va lui proposer notre place,... (elle n’avait qu’à demander). Et puis rester debout, c'est du sport : ça maintient en forme, au cas où il faudrait subir des mouvements sociaux ! En effet, pendant les grèves, les places assises sont chères, il ne reste que des espaces restreints, que l’on n’a pas forcément choisis. Avec la foule, on se tient où l’on peut dans la rame. Le plus dur est de rester debout sans pouvoir se tenir à une barre. Dans ce dernier cas, on peut rapidement tomber pendant le freinage ou l’accélération.

Pour se retenir aux branches, il reste au choix :
  1. le plafond (à condition d’être assez grand pour le toucher)


  2. les poignées d’ouverture des portes ou des fenêtres (à utiliser comme une fissure dans un rocher pour s’accrocher à la façon d’un pro de l’escalade)


  3. coller ses mains sur les vitres à la manière de Spiderman (c’est là que vous apprécierez d’avoir les mains moites)


  4. au pire, s'accrocher à vos voisins d’infortune (évitez quand même les zones les plus sensibles de leur corps)



** : parfois, ça vaut le coup d’être côté fenêtre…Il y a quelques portions de lignes de métro aériennes, notamment la 2, la 5 et son fameux viaduc d’Austerlitz, et bien sûr la 6 qui permet de voir la Tour Eiffel sur le viaduc de Bir-Hakeim.

Une récente campagne de la RATP pointait du doigt les incivilités des usagers (le mot est bien choisi) du métro. Les montages photographiques s'inspiraient fortement des fables de la Fontaine. On y voyait notamment un phacochère s'étaler largement en salissant plusieurs sièges. Au delà de cette caricature facile, on peut s'interroger sur notre nature humaine et compassionnelle quand on voit certaines personnes courir vers les places assises les plus recherchées dès que les portes de la rame s'ouvrent. Oh, vous me trouvez un peu naïf? C'est vrai que si le seul problème de la France se limitait au fait de laisser debout les mauvaises personnes dans le métro, ça ne serait pas trop grave. Mais pour moi, ce n'est que le premier maillon d'une chaîne qui empêche les gens de vivre ensemble. La compétition à tous les niveaux, ce n’est pas sain. Vous allez penser que je suis de gauche, et vous aurez raison. De même qu’il est criminel de prôner le principe du darwinisme social, il faut éviter de croire que ceux qui gagnent sont toujours ceux qui ont raison. C’est d’ailleurs l’objet d’une fable qui devrait inspirer une nouvelle campagne de pub de la RATP : Le Loup et l’Agneau.

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Article N°73
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Florent Thomas-Penette | Contactez-moi